Françoise Hardy et la tour Eiffel.
Pourtant, j’aimais bien Paris.
J’y avais vécu mes belles années, celles des succès plus ou moins mérités, des amours légères aux serments définitifs, des amitiés immortelles, et surtout celles où toutes les chances me souriaient.
Un divorce plus tard, je partis vivre aux États-Unis, un vieux rêve d’enfance ; je croyais encore au mythe de l’Ailleurs, on a les faiblesses qu’on peut. Après dix ans dans l’univers des films publicitaires, bien que reconnaissant à ce pays de m’avoir ouvert les bras, j’étais un peu lassé par l’obsession de la réussite à tout prix du New York de la fin des années 1980. N’étant pas prédisposé à devenir « le plus grand, le plus beau et surtout le plus riche », je sautai sur la main tendue par ma sœur Anne-Marie pour rentrer en France. Ces dix années passées au sein de l’équipe du journal Elle, dont elle était la directrice, seront un enchantement.
Bien sûr, Paris n’était plus celui des années 1960, les Champs-Élysées n’étaient plus déserts en été, Saint-Germain-des-Prés avait délaissé la rue Saint-Benoît et la fantaisie de la ville s’estompait doucement sous le poids d’un mal nouveau dont je reconnaissais les symptômes. Dans les bureaux, à la poste, dans les supermarchés, je retrouvais cette sourde angoisse de l’échec social, les regards inamicaux de la concurrence obligée, bref, une astreinte implicite de la réussite à tout prix s’étendait sur la ville. À regarder ses rues, ses monuments, son ciel, Paris restait une fête, mais où étaient donc passés mes Parisiens ? Ceux qui aimaient à noyer les nuits pour oublier les jours, les chantres du suicide social pour le plaisir d’un mot aussi brillant qu’inutile ? Ceux qui osaient la paresse sans crainte d’être jugés. J’avais le sentiment d’appartenir au siècle dernier, J’entends le xixe, bien sûr. Aujourd’hui, « mon » Paris n’existe plus, ses trottoirs ont oublié les pas de danse du Fred Astaire de Funny Face. Comme l’écrivait mon grand-père Jacques Porel :
« Mon amour de Paris a les yeux cernés. Alors, ailleurs, il se repose. »
Jean-Marie Périer