Les liens de Paris Match avec la chanson sont encore plus profonds et intimes qu’il n’y paraît. C’est un reporter du journal, Roger Thérond, qui, par amitié, battit le rappel de ses relations pour faire passer une audition à un débutant dont personne n’avait entendu le moindre couplet ni ne connaissait le nom, Georges Brassens.
Une décennie plus tard, un ex-photographe de Paris Match, Daniel Filipacchi, alors animateur de Salut les copains sur Europe n° 1, contribua plus que quiconque à la célébrité d’un jeune homme qui, justement, avait fait ses premiers pas sur scène en chantant du Brassens, mais s’était entre-temps converti au rock’n’roll : Johnny Hallyday. Roger Thérond et Daniel Filipacchi allaient, en 1976, devenir respectivement le directeur et le propriétaire de Paris Match, tandis que Brassens et Johnny entraient l’un et l’autre dans la légende. Ce qui prouve que si tout est décidément dans tout, tout est également dans Paris Match.
Il est, de toute façon, légitime et logique que la chanson soit largement présente, depuis toujours, dans les pages de notre publication. Elle y a sa place légitime car elle est, de tous les arts, celui qui véhicule le mieux cette chose indéfinissable et fugace, et pourtant prégnante, qu’un grand magazine d’actualité se doit de capter et de refléter : l’air du temps.
Les chansons d’Edith Piaf, d’Yves Montand, de Serge Gainsbourg, de Françoise Hardy et de centaines d’autres artistes font partie intégrante de notre patrimoine, comme leurs amours et leurs vies appartiennent à notre histoire. Bien davantage que les stars de cinéma, les stars du micro accompagnent chaque moment de notre existence. La radio, le disque, la télévision et les nouveaux médias les font entrer jusque dans nos foyers. Les chanteurs et les chanteuses que nous aimons ne sont pas seulement des familiers, ce sont aussi des confidents indirects : quelles que soient les circonstances, il y a toujours un refrain d’eux qui traduit parfaitement nos joies, nos peines, nos incertitudes, et que nous fredonnons sans même y penser. Nous révélons beaucoup de nous-mêmes, inconsciemment, en chantonnant sous la douche…
Mode d’expression universel, la chanson se joue des frontières générationnelles, culturelles et même linguistiques. Brel chantant Ne me quitte pas continue de bouleverser les adolescents comme il avait bouleversé leurs parents et grands-parents, les fans de Dalida, d’Eddy Mitchell ou d’Enrico Macias se recrutent dans tous les milieux sociaux, et le public anglophone n’a pas besoin de comprendre les mots de Trenet et d’Aznavour pour être sensible à leur génie : Elton John considère les chansons du premier comme les plus belles du monde, et Liza Minnelli admire tant celles du second qu’elle ne manque jamais une occasion de reprendre sa préférée, Les Comédiens, en duo avec lui.
Mais une chose nous touche sans doute plus que toute autre : la simplicité de la plupart des chanteurs, même les plus adulés. Ils ne trichent pas, ne cherchent pas à donner le change. Les stars du cinéma nous éblouissent. Les chanteurs, eux, n’ont pas besoin de « faire semblant », de paraître à tout prix : les sentiments qu’ils expriment dont ceux que nous ressentons tous. Aussi, dans la vie comme devant l’objectif, leur comportement dans la vie est-il dénué d’affectation. C’est parce qu’ils parlent à notre cœur que nous les aimons et qu’ils restent si proches de nous.
Olivier Royant, directeur de la rédaction de Paris Match
« Ces années-là. 60 ans dans l’intimité des stars de la chanson française », texte de Jean-Pierre Bouyxou, Paris Match