La Cabinerie expose pour la première fois en Suisse les photographies nocturnes de Mariano Manikis, photographe, artiste, architecte, curateur et gestionnaire culturel argentin de Buenos Aires.
Il s’agit d’une série de photographies réalisées la nuit dans les rues de La Boca, quartier historique et mythique de Buenos Aires. Images de rues désertes où règne une ambiance de songes qui ne va pas sans rappeler la mélancolie du tango né précisément dans ce quartier, port fondateur de la ville. Ce sont aussi des vues de zones devenues dangereusement fréquentables que seul un natif de ces quartiers, en fin connaisseur, peut traverser la nuit et photographier sans trop d’encombres…
Des vues d’un promeneur solitaire dans des rues qu’aucun touriste ne verra jamais, et encore moins sous les faibles lueurs des candélabres.
Enfin et surtout, ce sont de vraies images et non des documents, car au descriptif mentionné, à la géographie devinée, se greffe une picturalité indéniable, c’est-à-dire qu’au dessin des rues se substitue la matière même de la nuit et des tensions entre les couleurs chaudes et froides. Ce que Manikis pousse à l’extrême comme fut son cheminement aux confins de sa nuit et de sa démarche.
Images de rues de Buenos Aires exposées dans une cabine de rue de Fribourg, c’est comme si La Cabinerie se muait en point d’intersection, comme si les images faisaient fi de la géographie et de ses distances pour n’être qu’un parcours imaginaire continu…
La rue suisse qui mène à La Cabinerie se prolonge dans la rue argentine, ou l’inverse… La Lune et le Soleil des deux continents ensemble à la même heure!
Ce que dit l’auteur de ses photographies :
« Par une circonstance particulière, soudainement, ma vie s’est transformée en une longue nuit. Ce sont ici les photographies de cette nuit durant laquelle je suis sorti à sa rencontre et ce sont aussi les photographies de ma résilience, car dès les premiers pas sont apparues des images qui me parlaient d’autres mondes, distinctes et plus riches que la recherche frénétique d’un amour perdu.
Ma vue embuée de larmes s’est alors transformée en un regard attentif sur les endroits cachés du quartier même où je suis né, où j’ai grandi et où je vis : le quartier des cœurs brisés, des absents, des eaux noires et des impasses… Ils m’ont nourri d’une infinité d’images, j’ai pu en capturer certaines avec mon appareil photo alors que d’autres se sont perdues dans l’oubli. Mais toutes me firent découvrir que dans la nuit la plus profonde, derrière la porte qui se ferme, laissant le ciel de l’autre côté, la vie illuminée peut jaillir. Ainsi je réalisai que la nuit est une invention de l’homme. Dès la première torche qui éclaira les premières ténèbres, l’être humain a illuminé et façonné la physionomie de la nuit.
Qu’en serait-il de l’obscurité sans la présence de la lumière de l’homme et qu’en serait-il de l’obscurité dans laquelle parfois l’esprit humain entre, guettant, engendrant des fantômes, cachant des chemins, si l’être humain avec sa capacité de résilience n’illuminait pas ses traverses et trouvait de nouveaux paysages sur lesquels poser son regard ? »
Mariano Manikis
La Cabinerie est une ancienne cabine téléphonique transformée en galerie d’art et cabinet de curiosités. La première certainement et située idéalement sur une place d’un quartier résidentiel de la vieille ville de Fribourg. C’est un soir d’avril 2018 que l’idée émerge. Alan Humerose, qui deviendra le fondateur et directeur de cet espace hors du commun, découvre en rentrant chez lui cette cabine téléphonique, devant laquelle il passait tous les jours, sans la voir.
Tourelle de verre et de lumière posée dans la rue, elle expose et s’expose, à la fois publique et intime, elle attire comme elle éclaire.
Mariano Manikis : La nuit, une invention de l’homme
du 15 janvier au 11 avril 2021, changement d’œuvres chaque semaine
La Cabinerie
Angle rue Grimoux / Marcello – 1700 Fribourg
Alan Humerose : www.humerose.com