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Kathy Ryan et le New York Times magazine

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Depuis plus de trente ans, The New York Times Magazine joue un rôle déterminant dans la photographie de presse, à travers des commandes et des publications de travaux de tous bords, du photojournalisme à la photographie de mode en passant par le portrait. Avec Les Photographies du New York Times Magazine, Kathy Ryan, directrice de la photographie de l’hebdomadaire, présente les coulisses du travail de ceux qu’elle dirige et qui l’accompagnent. On y découvre la méthodologie de publication : de l’idée originale à la page en elle même en passant par la réalisation du projet et les conditions de séances ou reportages photographiques. Dès ses débuts au New York Times, Kathy Ryan a joué les mentors. Elle propose les projets à ses photographes, les assiste, les débriefe et contribue à leur progression. Ses analyses sont d’une importance cruciale : elle décide des images qui influencent les masses et la perception d’un événement, se doit de canaliser son émotion, elle joue un rôle dans l’évolution des courants photographiques. Sa sélection des derniers travaux majeurs dans l’histoire du magazine renseigne aussi bien sur la nature des images publiées que sur l’état de la photographie depuis le virage au numérique. L’exposition, réalisée en partenariat avec Aperture Foundation, arrive à Arles cet été avant que le livre éponyme soit publié à l’automne 2011.

Kathy, pouvez-vous détailler le contenu de votre exposition ?
C’est un regard sur les meilleures photographies publiées dans le New York Times Magazine durant les trente dernières années. Les onze différentes installations montrent de magnifiques images, mais tentent de révéler au spectateur le processus de publication d’une photo de magazine et l’envers du décor du métier de photographe. Dans la section dédiée au photojournalisme sont par exemple mis en lumière le travail de guerre de Lindsey Addario ainsi que des écrits d’Elizabeth Rubin, la journaliste avec laquelle elle a souvent travaillé en Afghanistan, en Irak ou au Darfour. Il est ainsi possible d’entrevoir la relation intime qui lie ces deux reporters. Une autre section est consacrée à la photographie de mode, discipline que j’apprécie particulièrement pour avoir tenté de traquer l’imprévu avec les photographes que j’ai envoyé en session : Jeff Koons, Lee Friedlander, Roger Ballen etc. Toutes ces images de style ont en commun qu’elles ont été réalisées par des photographes qui ne font pas partie du monde de la mode. Quant à la plus grande installation, elle présente les travaux réalisés lors d’un numéro spécial « Time Square » réalisé en mai 1997. A l’époque, j’ai envoyé plusieurs photographes documenter ce lieu qui était en grand changement : les cinémas pornographiques ou sex shops disparaissaient et laissaient place aux magasins commerciaux, l’endroit devenait aussi plus sûr.

Qu’apprend t-on sur les coulisses de la production du New York Times magazine ?
Au bas des photographies se glissent un certain nombre d’anecdotes amusantes, philosophiques ou techniques de la part des photographes, des directeurs artistiques, des éditeurs, voire des personnes qui figurent sur les images. Sont aussi exposées coupures de publications, listes de prises de vue, tirages de lecture et planches-contact, vidéos. On peut ainsi regarder les images mais également comprendre comment elles ont été réalisées puis publiées. Lorsqu’on arrive à celles des photographes de guerre, ces petites histoires renseignent avec intensité sur l’atmosphère qu’ils ressentent au quotidien.

Comment avez-vous composé la sélection de photographies ?
Certaines ont fait l’objet d’un choix de cœur, d’autres ont été sélectionnées en feuilletant assidument tous les numéros publiés depuis 30 ans. Je me suis rendu compte de l’immédiateté avec laquelle ces images ont été produites. Même avec le recul, ce n’était pas forcément facile d’analyser les publications passées. Mon travail quotidien est de toujours regarder vers l’avant.

Est-ce la meilleure qualité d’un éditeur photo ?
Toute la difficulté de ce métier réside dans le fait d’imaginer la meilleure couverture visuelle d’un événement et de bien connaître ses photographes pour être certain d’envoyer une personne capable de ramener les images parfaites. Ce qui demande une part de créativité car il est indispensable de surprendre le lecteur. Il faut aussi être capable de travailler avec une vitesse incroyable et de prendre rapidement de bonnes décisions. Par définition, il faut toujours respecter un délai.

Comment se laisse t-on guider dans le choix des images qui décident chaque jour de la façon dont le monde perçoit un scandale, une guerre ou un succès?
J’essaye de toujours prendre la bonne décision. Avec le temps, l’œil devient aguerri mais on se pose toujours les mêmes questions : Est-ce bien ? Est-ce assez fort ? N’est ce pas trop provocateur ?

Il y a donc dans ce travail d’une haute responsabilité, une part d’inconscient, dépendante des sentiments personnels de chaque éditeur photo…
Tout à fait. C’est pour cela que chaque magazine a un point de vue et une personnalité. Son éditeur photo doit en même temps être à l’écoute et avoir son propre avis. Il est inondé de différentes images toute l’année mais doit garder une sensibilité, parfois dure à former. Quand j’ai regardé les images que j’ai choisies pour le livre, j’ai découvert que j’avais été guidé par l’altérité ou un certain état onirique. Quand un portrait est vraiment bon, c’est que son regard fixe, intemporel, vous a absorbé. Quand une photo documentaire vous attire, c’est qu’elle a réussi à signifier quelque chose d’important, qu’elle transcende la scène pour atteindre la symbolique et vous surprendre.

Quel a été le changement majeur depuis votre arrivée au sein du magazine il y a 25 ans ?
Avec internet et les possibilités des nouveaux médias, la photographie digitale bien entendu. Cela a beaucoup changé la donne dans les studios, où les photographes prennent des photos en rafale, en regardant leur écran toutes les deux minutes. D’un côté, le numérique interrompt la complicité, souvent belle, qu’ils pouvaient construire avec leur sujet. D’un autre, cela leur permet de corriger les erreurs et de libérer une autre créativité, celle des effets si particuliers de la retouche sur programme informatique.

Pourquoi certains photographes de la génération argentique préfèrent-ils alors encore leur vieux boitiers Leica 35mm ?
Je ne sais pas vraiment. Il y a une indéniable pureté dans la photographie argentique, ses atmosphères, son grain, son naturel.

Comment le magazine se porte-t-il économiquement ?
Pas très bien. J’aimerai que l’on ait un peu plus de publicités.

Comment voyez-vous l’avenir de la photographie de presse ?
Plutôt bon. Time, Newsweek ou le New York Times Magazine allouent encore des pages entières à la photo. Mais l’avenir est sur internet. Sur nos reportages photos en diaporama, le nombre de visiteurs augmente de plus en plus au fil des mois.

Sur quoi travaillez vous aujourd’hui ?
Nous avons besoin de photographier un nageur de classe mondiale dont je tairai le nom. Je cherche actuellement une façon originale de le photographier et je n’ai pas encore trouvé de bonne idée !

Propos recueillis par Jonas Cuénin

L’exposition, réalisée en partenariat avec Aperture Foundation et la conservatrice Lesley Martin, arrive à Arles cet été avant que le livre éponyme soit publié à l’automne 2011.

Les Photographies du New York Times Magazine
Rencontres d’Arles
Du 4 juillet au 4 septembre
Église Sainte-Anne
Place de la République

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