Exposée en ce moment chez Bonni Benrubi à New York, la photographe française Karine Laval poursuit son exploration des éléments. Ici, l’eau est une nouvelle fois à l’honneur, comme dans ses précédentes séries The Pool et Poolscapes. De l’eau rouge comme le feu : allusion à cette deuxième matière qu’elle introduit aujourd’hui pour la première fois dans son œuvre. Au fond de ce fluide étrange se meut une silhouette, celles d’un danseur – auquel l’artiste brooklynienne voue un goût certain pour son identité sexuelle indiscernable – et un film métallique – le mylar – dont les oscillations provoquent reflets, distorsions et compositions énigmatiques. « Dans ce nouveau travail, explique Karine Laval, il y a toute une réflexion sur la surface. Pas seulement la surface de l’eau et ce qu’elle reflète et dissimule a la fois dans ses profondeurs, mais également la surface et le contour du corps, celle de la matière du mylar qui évoque a la fois la surface de l’eau et la peau, et la surface de l’œuvre en tant qu’objet. »
A travers cette perception subjective, le spectateur se trouve plongé dans un univers physique aux frontières de l’angoisse. « Il y a un cote transcendant et extatique qui peut se transformer en descente aux enfers, poursuite la photographe. En travaillant sur cette série, j’avais en tête le travail de Francis Bacon ou celui des surréalistes ; et leurs expérimentations du rêve et du désir, l’avant-garde et les recherches sur l’abstraction, certaines peintures anciennes religieuses, mais également la notion d’Heidegger sur l’existence humaine qu’il décrit comme étant un processus de chute perpétuelle. » En l’état, les images d’Altered States semblent davantage fonctionner en un tout plus que livrées chacune à elles mêmes. Surtout, dans le souci d’exploiter leur intensité, elles semblent vouloir être accompagnées par une bande sonore ou un éventuel médium d’appoint. Désir assouvi, puisque pour la première fois chez Bonni Benrubi, un court métrage escorte les photographies. Une vidéo à l’atmosphère similaire, où le danseur – mi homme, mi poisson – valse et ondule en musique. Une vidéo dont la teneur incite à l’intrigue et à l’évasion. Là semblent se retrouver les images fixes exposées dans la salle attenante, assemblées, osons le dire, dans un travail peut-être encore plus abouti. Karine Laval, qui affectionne depuis quelques temps l’image animée, semble prédisposée à explorer de nouvelles formes d’expression.
Jonas Cuénin
Karine Laval: Altered States
Du 18 avril au 24 mai 2013
At Bonni Benrubi Gallery
41 East 57th Street 13th Floor
New York
USA
