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Julien Selleron : Grenoble / Paris, Années 1980 – 90

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Il y a deux villes, des inconnus, des amis et même un autoportrait qui vient se glisser dans le reflet d’une vitrine ou en filigrane dans toute cette série photographique. C’est l’autoportrait d’une époque, d’une jeunesse, d’une quête.

Je trouvais intéressant de faire des combinaisons entre ces différents sujets : l’architecture de la ville et celle d’une jeunesse se mettant souvent en scène, le dedans, le dehors, la rue et ses passants, la nuit, le jour ou encore la sphère intime.

D’une certaine manière ces deux villes se correspondent, s’interrogent et se répondent. Elles disent la même chose : l’errance, la vacance, et parfois le suspens.

Si la photographie est indicielle on peut distinguer aussi dans les images de Julien Selleron une topologie.

Tout n’y est pas très net, certaines images sont floues, mais c’est dans l’ordre du souvenir… Et c’est ce qui les rend sensibles.

Julia Fabry – Commissaire d’exposition

 

À l’époque, j’étais un vilain garçon, j’avais complètement décroché côté scolaire, redoublant une 3ème au collège Champollion de Grenoble avec à la fin un résultat désastreux. Pour sortir de ce marasme, ma mère, à bout de force, m’inscrit en CAP. Un magasin de jouets dans le centre ville cherchait un apprenti vendeur. J’en pris pour deux ans.

Mon père pratiquait la photographie en amateur éclairé. Un jour lorsque je me rendis en vacances chez lui, mes parents étant séparés, il me prêta un appareil photo. Ce fut un « déclic » et à mon retour à Grenoble, je m’achetais avec ma première paye d’apprenti un appareil photo Russe, un Lubitel. Un moyen format solide mais à la mise au point compliquée et au réglage aléatoire nécessitant une cellule à main. Sur le chemin du travail se trouvait dans une minuscule galerie marchande, un laboratoire photographique tenu par une femme, Martine. J’y déposais mes pellicules et l’attente de retrouver une planche contact le lendemain me portait au travail tout au long de la journée.

Je gardais quelques amitiés de mes années de collège. C’était la grande époque de la New Wave, et on se retrouvait le soir pour écouter The Cure, The Smiths, Joy Division ou Bowie autour du radio cassette. Pas d’internet, pas d’ordinateur, juste faire des clichés, à l’instinct, raconter ce quotidien de la fin de l’adolescence. On cherchait à s’échapper de la monotonie du quotidien et la photographie a entrainé d’autres amitiés. L’appareil photo est devenu un compagnon et aussi un moyen de vaincre ma timidité pour approcher les filles. Vient l’achat du premier 24X36, un Pentax et des optiques, 50mm, 35mm, 80mm. Photographier pour m’échapper du réel où au magasin mon occupation consistait le plus souvent à essuyer des boites de maquettes ou à balayer la cour.

Après mon C.A.P. je m’inscris au lycée Autogéré de Paris dont j’avais entendu parler avec l’espoir d’obtenir mon bac. À 18 ans, je quittais le giron familial et j’emménageais dans une chambre de bonne, place Saint Jacques, dans le 14ème à Paris. Ce fut une première année de liberté dans tous les sens du terme. Je travaillais à côté pour payer ces études sinon n’étant pas obligé de me pointer au lycée, j’y allais assez peu. J’étais lâché dans la grande ville et je me cramponnais à mon appareil photo avec toujours cet instinct de documenter mon quotidien. Nouvelle ville, nouveaux amis, ma première amoureuse, mais au fond aussi une grande solitude où tout était à construire, un chemin de vie, comme une confiance en soi.

La photographie est devenu un réflexe, un compagnon, une façon sans doute de retenir aussi le temps, de me construire une boite à souvenir, avec un regard construit par le partage des grands maitres, Willy Ronis, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau. Mais sans doute de manière inconsciente. D’ailleurs, j’ai retrouvé une photo avec une affiche de Ronis dans ma chambre de Grenoble, j’avais complètement oublié cette image.

Tout ce travail était derrière moi, j’avançais dans mon métier de cinéaste sans prêter attention à toutes ces images tout en continuant à en faire. C’est lors de mon dernier film en partie sur mon père, que j’ai numérisé tous ses négatifs et j’en ai profité aussi pour numériser les miens. En me replongeant dans ces images datées pour certaines de plus de 30 ans m’est venu l’évidence de les montrer. Et puis aussi sans doute ce désir vient aussi du partage. Le producteur de mon dernier film, Franck Landron aussi photographe m’a encouragé dans cette démarche. Enfin, c’était mon père le photographe éclairé, ça lui appartenait la photo, peut-être qu’il y avait là aussi un tabou à transgresser, m’autoriser cela.

Julien Selleron

 

Julien Selleron – Grenoble / Paris, Années 1980 – 90
6 septembre – 21 septembre 2019
Galerie Simon Madeleine
7 rue des Gravilliers
75003 Paris

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