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Jorge Ribalta–L’image et sa fonction

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Cinq questions à Jorge Ribalta par Chantal Grande

Tu utilises la photographie comme instrument qui te permet analyser, observer et ordonner les modèles culturels de notre société. Comment élabores-tu ce projet documentaire, cette archive produite souvent à partir d’évènements mineurs, que le spectateur doit recomposer et interpréter à travers une multitude d’images ?
Jorge Ribalta : Ma pratique repose sur une lecture et une mise en application la plus littérale possible des sources du discours documentaire des années 30 : celui selon lequel la photographie peut expliquer la complexité sociale et représenter la vie quotidienne de « l’homme de la rue », du travailleur. Sergei Tretiakov est ma référence la plus importante, avec ses thèses sur la sérialité et l’immobilité de la photographie, qui articulent la pensée matérialiste dialectique sur la fonction social et politique de la photographie. Ma lecture reprend la genèse de cette idée documentaire dans le présent, en lui rendant l’actualité et en même temps qu’en incorporant une autocritique dans l’inscription de mon propre travail à l’intérieur du système de l’art contemporain. D’où le choix de « travaux de champs » ou « recherches sur le terrain » pour désigner mes séries, comme de petites études photographiques des formes spécifiques dans lesquelles se déroule aujourd’hui le travail dans le champ culturel. Ce sont des études comme la production de la ville historique comme marchandise culturelle dans une ville romaine comme Tarragone, la trame de la culture du Flamenco en Espagne et sa tension entre culture officielle et d’opposition, les mécanismes de production et de reproduction d’un édifice emblématique comme l’Alhambra, etc… Mon travail cherche à défendre l’actualité de la photographie comme instrument d’observation et d’analyse de la complexité sociale, telle qu’elle a toujours été appréhendée depuis son incorporation dans la culture moderne, et en opposition au discours stérile sur la mort de la photographie.

Si une photographie a un cadre, le monde n’en n’a pas. Quels sont tes paramètres lorsque ta perception modifie l’observation et donne un sens à la lecture de l’image?
J. R : Je ne fais pas un mythe de la genèse du concept documentaire des années 30 et je ne défends pas non plus son authenticité en dehors de l’histoire. Il est évident que la critique du document fait partie de ma culture photographique. C’est à dire que ma lecture des sources des années 30 dans la photographie documentaire est médiatisée par l’héritage critique des années 70 et 80, par le travail de Allan Sekula, Martha Rosler ou Jo Spence. Je défends une relecture actuelle des sources modernes à partir de l’instruction d’une critique de la modernité même. J’incorpore cette dimension critique dans mes séries en utilisant l’écriture et les relations entre les images tout en incorporant aux images elles-mêmes des éléments qui suggèrent la condition imprévisible et précaire de la représentation. C’est le cas par exemple du mobilier urbain, un élément toujours présent alors qu’il est à peine conscient dans notre perception de la ville, un repère qui mesure et associe l’image à son temps. Ce sont des éléments qui interrompent dans le cadre, incorpore un effet anti-illusionniste dans l’image et finalement indique l’arbitraire du cadre et suggère l’hyper codification du milieu ambiant dans la mémoire visuelle. A l’Alhambra par exemple il est impossible d’avoir une approche du monument qui échappe à l’industrialisation de sa représentation. Moi j’ai pu me sauver de cette sur-codification en photographiant l’édifice à une période de réhabilitation, à l’époque où le sol de la Cour des Lions (Patio de los Leones) était levé et les lions en restauration, le monument sur la table de dissection !

Comment a surgi le passage de la contemplation à l’action, de la fiction à l’objectivité?
J.R : Je pense qu’il faut relativiser l’opposition ontologique entre fiction et objectivité ou document en photographie. Cette opposition génère à mon avis des malentendus et des débats improductifs. L’objectivité photographique est une convention par conséquent elle peut aussi être considérée fiction. Dans la culture photographique nous avons différentes rhétoriques et différentes traditions. Dans les années 80 et 90 mon travail se faisait en studio et émanait d »une mise en scène. C’était ma façon de répondre aux impératifs d’une pratique photographique qui avait internalisé une critique du naturalisme, c’était le discours théorique du moment. Mon arrivée dans la culture photographique s’est produite à cette époque et la prolifération dans les années 80 des pratiques de mises en scène photographiques était le résultat ou l’effet du discours de critique de la représentation initié dans la décade antérieure. La critique du naturalisme photographique apparaissait comme un impératif, une pré-condition dans l’usage du dispositif photographique.
Mon abandon de cette méthode de mise en scène dans les années 2000 est le refus d’une routine, d’un ennui qui m’obligeait à une forme d’enfermement permanent. Je constatais aussi que le geste critique est éphémère et changeant, que la critique de la représentation s’appauvrit et s’épuise dans la propre répétition. Mon aspiration se tournait vers la ré-invention du naturalisme une fois sa critique internalisée. Il s’agit d’une certaine manière d’une rupture parallèle à celle du dernier Roland Barthes dans La chambre claire, où son approche passe par la récupération du référent, dans une relative rupture avec le travail antérieur d’analyse de l’image par le biais de la critique.

(…)

Je pense qu’aujourd’hui le centre du débat est plus sur les méthodes et formes de circulation, sur les usages de l’image photographique. Paradoxalement, la critique du naturalisme des années 80 a plutôt produit un nouveau « documentalisme« . Le réalisme photographique accomplit tant la fonction artistique que sociale et politique dans la sphère publique libérale moderne, déterminée par les médias. Bien au-delà de Photoshop et la technologie digitale, cette fonction reste stable depuis le surgissement des moyens de communication photographiques modernes à l’époque de l’entre-deux-guerres. N’importe qu’elle analyse de la condition historique de la photographie devrait me semble-t-il partir de cette constatation, la stabilité de sa fonction.

Est-ce-que le parcours du photographe a été sous influence du parcours de l’historien et du commissaire d’expositions?
J.R : J’espère bien ! Le travail de commissaire est pour moi une forme d’étude et d’apprentissage. C’est un réel privilège de pouvoir manipuler les œuvres historiques en archives et mon activité de commissaire sur la dernière décade m’a vraiment procuré un parcours privilégié de « auto-éducation » ou auto-didactisme. Je crois que l’activité « curatorial » a accentué mon goût pour la photographie et approfondi ma conscience de son rôle dans la culture moderne. Avoir entre les mains des tirages de O’Sullivan, Barnard ou Fenton a été comme une épiphanie et a changé complètement ma vision de la photographie, tant esthétiquement qu’historiquement. Tout à coup j’ai eu l’évidence de la singularité de cet art, de sa grandiosité tellement modeste à la fois. Voilà ce qui me semble important de l’idée documentaire, une idée esthétique, cognitive et communicative. La photographie apporte à la culture moderne sans grandiloquence, au travers d’images relativement petites, dans des albums, à la porte même de service, comme la « servante » que Baudelaire écrivait dès 1859.
C’est justement dans cette condition mineure ou humble que réside pour moi tout l’intérêt de la photographie, son grandiose paradoxe. C’est aussi la raison pour laquelle je réfute Michael Fried quand il dit que la photographie est aujourd’hui plus importante que jamais parce que sa condition artistique l’a converti en paradigme hégémonique. Historiquement l’importance de la photographie a justement toujours été le contraire.
L’activité de commissaire m’a permis de prendre de la distance, de me sentir plus libre vis à vis de mon travail en photographie, il m’a permis de rendre plus complexe l’usage de l’espace d’exposition comme espace public. En même temps, j’ai toujours répondu à un sens du ludique assez essentiel, une exposition historique est une opération académique et un jeu, l’exposition sert l’apprentissage comme le plaisir et la fantaisie.

Les références historiques et artistiques sont des éléments de réflexion déjà présents dans tes photographies de la fin des années 80. Ces images ambigües, réalisées en studio à partir de maquettes et figures miniatures sont exceptionnelles, les tirages sensuels, sombres, pour ne pas dire obscurs occupent une place unique dans la création contemporaine en Espagne. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur ces œuvres?
J.R : Si je dois identifier un élément de continuité dans mon travail, antérieur et actuel je dirais, d’une façon très générale, c’est celui de la compréhension de la photographie comme un art de la mémoire.

(20 mai, 2013)

Adaptation française Lola Fabry avec corrections de l’auteur.

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Cinco preguntas a Jorge Ribalta, por Chantal Grande

Utilizas las fotografía como instrumento que te permite analizar, observar y ordenar los modelos culturales de nuestra sociedad. ¿Cómo elaboras este proyecto documental, este archivo producido a menudo a partir de acontecimientos menores, y que el espectador debe recomponer e interpretar a través de una multitud de imágenes?

Jorge Ribalta : Parto de una lectura y puesta en práctica lo más literal posible de las fuentes de la idea documental de 1930: que la fotografía puede explicar la complejidad social y representar la actividad cotidiana del « hombre de la calle », del trabajador. Sergei Tretiakov es mi referencia más importante, con sus tesis sobre la serialidad y la inmovilidad de la fotografía, que sintetizan el pensamiento materialista dialéctico sobre la función social y política de la fotografía. Intento situar mi lectura de la génesis histórica de tal idea documental en el presente, devolverle su actualidad, y a la vez incorporar una operación autocrítica respecto a la inserción de mi propio trabajo en el sistema del arte contemporáneo. De ahí mi utilización del término “trabajos de campo” para referirme a mis series, como pequeños estudios fotográficos de las formas específicas en que hoy se produce el trabajo cultural: estudios tales como la producción de la ciudad histórica como mercancía cultural, la trama de la cultura flamenca en España y su tensión ente oficialidad y resistencia, los mecanismos de producción y reproducción de un monumento emblemático en España como la Alhambra, etc… Con mi trabajo intento defender la actualidad de la fotografía como instrumento de observación y análisis de la complejidad social, tal como ha sido entendida desde su incorporación en la cultura moderna, y en contra del estéril discurso sobre la muerte de la fotografía.

Si la fotografía supone un marco, el mundo carece de él. ¿Cuáles son tus parámetros cuando tu percepción modifica la observación y da un sentido a la lectura de la imagen?
J.R : No mitifico ese momento inicial de la idea documental ni defiendo su autenticidad por encima del proceso histórico. Es evidente que la crítica del documento forma parte de mi cultura fotográfica. Es decir, mi lectura de las fuentes de los años treinta está mediatizada por el legado crítico de los setenta y ochenta, por el trabajo de Allan Sekula, Martha Rosler o Jo Spence. Es decir, defiendo una relectura actual de las fuentes modernas a partir del legado de la crítica de la modernidad. En mis series incorporo esa dimensión crítica a través del uso de la escritura y las relaciones entre las imágenes, a la vez que incorporo elementos en las imágenes mismas que aluden al carácter contingente y precario de la representación. Esto por ejemplo se puede ver en la manera en que incorporo el mobiliario urbano en las imágenes como algo siempre presente, aunque inconsciente en la percepción de la ciudad, y que mediatiza e impide una imagen fuera del tiempo. Son elementos que interrumpen en el cuadro y incorporan un efecto anti-ilusionístico en la imagen, y que efectivamente señalan la arbitrariedad y contingencia del cuadro, a la vez que aluden a la hipercodificación del entorno y la memoria visual. En la Alhambra por ejemplo es imposible tener una aproximación al monumento que no este predeterminada por la industrialización de sus representaciones y solo pude escapar a esa sobrecodificación precisamente fotografiando el monumento durante las obras, cuando al patio de los leones estaba levantado y los leones en restauración: el monumento en la mesa de disección.

¿Cómo surgió el paso de la contemplación a la acción, de la ficción a la objetividad?
J.R : Creo que hay que relativizar la oposición ontológica entre ficción y objetividad o documento en fotografía. Esta oposición genera malos entendidos y debates estériles. La objetividad fotográfica es una convención, por tanto se puede considerar una ficción. En la cultura fotográfica tenemos diferentes retóricas y tradiciones intelectuales y nuestra práctica se sitúa y se recibe en relación a esas retóricas y tradiciones. En los años 80 y 90 mi trabajo adoptaba métodos de puesta en escena y partía de una concepción de la imagen fotográfica como resultado de un proceso de construcción en el estudio. Era mi forma de responder a los imperativos de una práctica fotográfica que había interiorizado una crítica al naturalismo, tal como se teorizaba entonces. Mi llegada a la cultura fotográfica se produjo en ese momento y la proliferación en los ochenta de métodos de puesta en escena fotográfica eran el resultado o el efecto de los discursos de crítica de la representación iniciados en la década anterior. La crítica al naturalismo parecía convertirse en un imperativo, una precondición. Mi abandono de ese método de escenificación a mitad de la década de los 2000 fue el resultado del aburrimiento de una rutina que me obligaba a una especie de encierro permanente. Pero también a la constatación que el gesto crítico es efímero y cambiante y que la crítica de la representación se agota y anula en su propia repetición. Lo relevante es la reinvención del naturalismo una vez interiorizada su crítica. Se trata, en cierto modo, del mismo gesto del último Roland Barthes en La chambre claire, en donde defiende una recuperación del referente, en relativa ruptura con su anterior trabajo de análisis de la imagen. Creo que mi trayecto personal y el cambio de método de trabajo puede explicar también porqué me parece que las ideas de post-fotografía y muerte de la fotografía, que son resultado de una mala interpretación de la crítica del naturalismo de los ochenta (el famoso debate sobre la condición de la fotografía como índice), son ideas estériles hoy. El dispositivo crítico ya ha sido naturalizado y, por tanto, ha dejado de actuar críticamente y es necesario un desplazamiento. Creo que hoy el centro del debate está más en las formas de circulación y los usos de la imagen fotográfica. Paradójicamente, la crítica del naturalismo de los ochenta lo que ha producido es más bien un nuevo documentalismo. El realismo fotográfico cumple una función tanto artística como social y política en la esfera pública liberal determinada por los medios de comunicación, es decir en la cultura moderna. Más allá de photoshop y la tecnología digital, esa función se mantiene relativamente igual desde el surgimiento de los medios de comunicación fotográficos modernos en el periodo de entreguerras. Cualquier análisis de la condición histórica de la fotografía debería partir de esta constatación.

¿ Tu actividad como fotógrafo ha sido influenciada por tu actividad como historiador y comisario de exposiciones?
J.R : Eso espero. El trabajo de comisario es para mi una forma de estudio y aprendizaje. Es realmente un privilegio poder manejar materiales históricos en archivos y mi actividad como comisario a lo largo de la pasada década ha sido una forma privilegiada de auto-educación. Creo que la actividad curatorial ha acentuado mi gusto por la fotografía y una conciencia más precisa del papel de la fotografía en la cultura moderna. Tener en mis manos las copias de O’Sullivan, Barnard o Fenton fue una epifanía, cambió completamente mi visión de la fotografía, tanto estética como históricamente. De pronto se me hizo evidente la singularidad de este arte y su tremenda grandeza, que es a la vez tremendamente modesta. Esto es lo que me parece tan importante de la idea documental, que es a la vez una idea estética, pero también epistémica y comunicativa. La fotografía hace su aportación a la cultura moderna sin grandilocuencia, a través de imágenes relativamente pequeñas, en álbumes, y desde la puerta de servicio, como la “criada” de las artes y ciencias que tempranamente dictaminó Baudelaire. Precisamente en esa condición menor de la fotografía reside en mi opinión su gran interés, su paradójica grandeza. Es por eso, en parte, por lo que estoy en contra de Michael Fried cuando dice que la fotografía es hoy más importante que nunca porque su condición artística se ha convertido en un paradigma hegemónico. Históricamente la importancia de la fotografía ha sido justamente la contraria. El trabajo como comisario me ha permitido una aproximación más distanciada y libre a mi propio trabajo y me ha permitido complejizar el uso del espacio expositivo en tanto que espacio público. Al mismo tiempo, como comisario siempre he partido de entender que una exposición histórica es, al mismo tiempo, una operación académica y un juego, y que la exposición debe servir tanto para el aprendizaje como para el placer y la fantasía.

Las referencias históricas y artísticas son elementos de reflexión ya presentes en tus fotografías de finales de los ochenta. Esas imágenes ambiguas, realizadas en el estudio a partir de maquetas y miniaturas son excepcionales, con su copiado sensual y sombrío, por no decir siniestro. Ocupan un lugar único en la creación contemporánea en España. ¿Cómo ves hoy esas obras tuyas?
J.R : Si tuviera que encontrar algún elemento de continuidad entre el trabajo anterior y mi trabajo actual diría, de manera muy general, que se trata de una comprensión de la fotografía como un arte de la memoria.

(20 mayo, 2013)

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