J’ai toujours aimé photographier des gens dans des espaces. Pour “Human project” j’ai voulu aller au fondamentaux de ce qui m’intéresse : photographier un homme dans un espace. L’homme contemporain est devenu le rouage d’une société très complexe. On vit dans une société qui vante l’individualisme d’un côté et de l’autre pratique l’uniformisation. Une société de 6 milliards de personnes est une société standardisée pour pouvoir répondre aux besoins de chaque individu : travail, loisir, transport… Dans cette société standardisée, l’homme devient anonyme, uniformisé, normé. C’est une particule élémentaire dans la masse globale. Le costume zentaï correspond parfaitement à cette vision de l’homme comme particule élémentaire. Il rend n’importe quel individu le plus uniforme possible. On ne distingue plus de visage, plus de race, plus de sexe… et je cherche le plus grand contraste possible entre ces personnages lisses et la richesse des différentes textures naturelles, le minéral et le végétal. Pour commencer, l’armée me semblait être un corps social pertinent pour cette série. L’armée a déjà son uniforme, sa couleur. L’individu disparaît au profit du corps militaire. Cela me permet de mettre ces personnages en action en pleine nature. J’ai souvent un point de vue en hauteur sur ces petits hommes de couleurs vives. Ils peuvent alors faire penser à des petits jouets, à des petits soldats de plombs dans un panorama hyperréaliste. Cela m’amene à réfléchir sur la question de la tradition de la représentation des batailles militaires depuis le moyen-âge jusqu’à maintenant. Finalement la guerre n’est pas si présente dans la photographie contemporaine. Rapidement, un deuxième axe de travail m’est apparu. Le tourisme contemporain de masse. J’ai toujours été à la recherche de mettre cet homme lisse et standard face à cette nature riche et complexe. Le tourisme est apparu comme une évidence. Je suis donc allé à la recherche de ces lieux emblématiques où l’homme d’aujourd’hui se déplace par milliers. Le pouvoir de projection de cet axe de travail est puissant, nous sommes tous parmi ces petits personnages. C’est un travail en cours sur lequel je suis toujours en pleine réflexion et recherches. La série est née de mon envie de faire un travail plus intemporel et personnel que les photos que je réalise habituellement (publicité, mode). Et l’envie de travailler aussi pour moi égoïstement, tout en mettant en œuvre mon savoir faire de mise en scène, de postproduction. La préparation (production) de ce genre de travail n’est pas si différente d’une photo publicitaire sauf le budget. Je réfléchis à quelques situations possibles dans le genre de lieux vers lequel je vais (montagne, mer). Puis en arrivant sur place je me promène en ayant en tête les différents scénarii. Un lieu apparaît alors plus évident qu’un autre. Ce qui est intéressant c’est que je travaille complètement seul sur ce projet. Je suis tout le monde. Jean-Yves Lemoigne
Jean-Yves Lemoigne est photographe depuis 2004 pour la publicité. Il collabore avec des agences du monde entier (Paris, Londres, New-York, Amsterdam) pour des publicités aux idées étranges et au ton différent. Ses travaux ont reçu de nombreuses récompenses. Il collabore également avec des magazines : Amusement, Le Monde2, Technikart Mademoiselle, WAD. Le réenchantement du quotidien est au cœur de son travail personnel. Ses mises en scènes surréalistes font basculer notre quotidien le plus banal dans une autre dimension. Jean-Yves Lemoigne a été exposé au Musée de la Publicité et des Arts Décoratifs au Louvre et au Palais de Tokyo.
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