En s’éloignant délibérément de l’objet, les oeuvres de Jean-Marie Fadier brisent les codes convenus de la photographie. Au sens strict, étymologique, « façonnements de lumière », elles ne « représentent » pas mais sont le fruit d’une captation de la lumière par divers papiers sensibles, souvent anciens, de petit ou très grand format.
En exposant ces supports aux météorologies et aux intempéries de ces Monts d’Aubrac chantés par Julien Gracq, Fadier déconstruit l’objet photographique. Pratiquant sans appareil, sans prise de vue, il privilégie le savoir-faire du geste en projetant à l’envi révélateur et fixateur sur la toile sensible. L’image latente qui maintient suspendus les jeux du geste et du hasard, est révélée dans l’atelier. Ainsi, à l’opposé d’une photographie classique, les oeuvres réalisées sont uniques, non reproductibles. Les tableaux obtenus sont riches d’une palette colorée singulière, voire « extra-ordinaire ».
L’ensemble ne saurait se construire sans une parfaite maîtrise des paramètres de l’image et l’immense compétence de Fadier, ancien « chef-op », sans même sa connaissance du son et de ses vibrations.
Que le résultat de ces expériences soit des abstractions nous renvoie aux tout débuts de l’histoire de la photographie. Nicéphore Niépce, l’inventeur cherchant la précision de formes en noir et blanc, était alors l’exact contemporain d’un William Turner. La modernité conduisait ainsi à des résultats qui sembleraient radicalement opposés s’il n’y avait, de part et d’autre, cette attention extrême portée à la lumière : le noir et blanc réaliste n’est pas l’ennemi d’une dissolution des formes et de la célébration corollaire de la couleur.
Monique Sicard