Noël Tamini, alors journaliste et marathonien, me vantait souvent ce pays où, il en était certain, mon esprit voyageur et mon œil curieux seraient comblés.
Dès la chute du régime en décembre 1989, entrainant l’ouverture des frontières, la voie était libre et le moment venu pour une initiation. Le prétexte d’un mariage tzigane précipita les choses et dès le mois de juillet suivant, je me retrouvai à Bucarest la grise puis dans les étendues planes vers la mer Noire, la steppe du Baragan, rendue célèbre par les chardons de Panaït Istrati.
Mes nouveaux amis du musée d’agriculture de Slobozia me firent découvrir copieusement leur département du Ialomitsa : chez les tziganes d’Andrasesti, les paysans de Gheorghe Doja, les bergers de Milosesti, …
L’omniprésence de la traction chevaline, la rareté du parc automobile composé essentiellement de R12 Dacia, le travail des champs, peu mécanisé, l’habitat des campagnes, à l’ancienne…tout cet univers campagnard me ramenait quelques décennies en arrière, au temps de mon enfance rurale. Ainsi immergé dans ce pays enfin possible, qui s’ouvrait comme une fleur à l’étranger de passage, je fis un voyage dans l’espace mais aussi dans le temps.
Un an plus tard, me voici au nord du pays, à la frontière ukrainienne. Je découvris Baia Mare, polluée par les vapeurs de plomb, avant de plonger dans la dépression du Maramures où la distance semble avoir été gardée avec les intentions du collectivisme. Un peuple de paysans à la vie rude a résisté et conservé ses traditions. Le travail des champs façonne un paysage vert et vallonné, des charpentiers émérites conservent un savoir-faire ancestral offrant maisons et églises en bois, la tradition musicale rythme fêtes et mariages…Quant à l’accueil, il fut au-delà de mes espérances.
Le plaisir de la découverte d’un pays riche et varié, une ambiance évoquant mes origines, l’hospitalité comme un art de vivre,… La Roumanie avait gagné : je ne cesserai d’y retourner, la plupart du temps en début d’été, pressé de tomber dans les bras de mes amis, transporté par l’odeur grisante du foin, attiré par le parfum de l’inconnu…
Je découvrirai la Moldavie et ses monastères peints, les collines dorées des monts Apuseni, le village tzigane de Clejani ; j’aurai une aventure humaine forte en Bessarabie, sur l’autre rive de la rivière Prout, au-delà de l’ex-rideau de fer,…
Au fil des séjours, quatorze à ce jour, je ralentis mon allure, tenant compte du besoin d’échange observé chez les gens rencontrés, tel un témoin empathique. Ma photographie, d’abord influencée par les habitudes du reportage, réactive, prédatrice, se fait plus douce, nourrie de la relation à l’autre.
Le monde rural roumain souffre des effets de la mondialisation, les revenus de la terre ne nourrissent plus les familles, on assiste à un exode généralisé vers l’ouest de l’Europe. Cependant les liens tissés ne se détendent pas, le plaisir de se revoir ne faiblit pas, d’autres surprises me sont promises ici et là. Les campagnes roumaines n’ont pas fini d’être généreuses envers moi et de m’offrir de nouvelles merveilles.
Jean-Jacques Moles
« Terres promises » / 1990 – 2015
Brochure de 20 pages sur papier couché
Couverture en 240g / 16 pages intérieures en 150g
Format 21X27
PU : 5 euros / 7,50 euros port compris
A commander à l’auteur