Après les documentaires consacrés à Frank Horvat, George Tourdjman et Satoshi Saikusa, la série « Portrait de photographe » de Philippe Abergel revient avec un quatrième épisode consacré au photographe espagnol Javier Vallhonrat. Le réalisateur l’a suivi chez lui à Madrid et dans les hautes montagnes.
Né à Madrid en 1953, Javier Vallhonrat a grandi sous Franco et a construit dans sa jeunesse, ses premiers gestes artistiques dans l’implosion de la dictature franquiste. « La musique, la mode, le cinéma étaient des univers où les portes s’ouvraient », déclare-t-il à Philippe Abergel. Diplômé des Beaux-Arts de Madrid, il travaille à Rome comme assistant du photographe italien Gerardo Moschioni et présente des travaux personnels aux grands magazines italiens comme Vogue, à rebours des clichés de mode usuels de l’époque. Ses premiers travaux reposent alors sur des mises en scène extrêmement composées
En 1991 avec Autogrammas puis en 1993-1994 avec Objetos Precarios, Vallhonrat interroge avec des moyens simples (« la lumière […], le temps […], son corps »), l’idée même d’image, et par cela, l’essence de la photographie. « La notion d’espace », la géométrie des corps conditionnée par la performance comme par le regard induisent une psychologie chez l’artiste.
L’héritage des artistes conceptuels des années 1970 comme Richard Long, Dennis Oppenheim et Vito Acconci marque une nouvelle étape dans son œuvre. Vallhonrat enregistre par le biais de la caméra ses actions. « Le langage photographique sert alors le travail performatif ». Les actions de l’artiste abordent l’idée d’habitat, de lieu, de relation entre un espace et son propre corps.
De 2011 à 2015, sa série Interacciones donne une dimension autant contemplative que personnelle à son œuvre. Marchant depuis son enfance en haute et basse montagnes, sur de longues distances, cette série symbolise toute la fragilité de l’existence humaine face à des conditions, des environnements qui l’écrase. Elle témoigne aussi d’un jeu de couleurs presque neutres, aux tons doux et aux contrastes pourtant appuyés. Son travail sur les bivouacs et les refuges naturels témoignent d’une grande simplicité : « comment raconter toute une nuit ? Dans le langage photographique, c’est vraiment impossible ». Et pourtant, la photographie de Vallhonrat dépasse le cadre étroit du temps photographique.
À propos de Philippe Abergel :
Photographe free-lance à Paris depuis 35 ans, je réalise des travaux de commande pour les grands magazines. Je collabore depuis une dizaine d’années avec de nombreuses maisons d’édition, j’ai à mon actif aujourd’hui 13 « beaux-livres » sur le patrimoine et les métiers d’art (L’Elysée, le Quai d’Orsay, Le Palais Farnese, le Palais Thott…). Mon travail d’enseignant en photographie à l’École EFET Paris XII et mes interventions à l’École des Gobelins m’ont amené à réfléchir à la problématique de transmission.
Le projet de cette série de documentaires intitulée Portrait de Photographe est né de cette envie de transmettre aux jeunes générations, et aux amateurs de photographie, ce qu’est la vie d’un grand photographe et d’avoir durant 26’ son analyse sur son métier, sur ses photos et sur le langage photographique.
Des photographes filmés et interviewés par un photographe voilà qui m’intéressait et comme disait Georges Tourdjman : « J’aime les photographes, et j’aime les photographes qui vivent la photographie ». « Ce n’est pas facile de faire une bonne photo, mais quand on y arrive, alors… »
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« Portrait de photographe : Javier Vallhonrat » par Philippe Abergel
Montage : Philippe Abergel
Assistante à la réalisation : Théo Steiner
Coordination : Nathalie Benchetrit
Production : Caméra16
Madrid, 2016