L’ exposition était formidable. Elle était chez Pace et organisée avec Pace/MacGill à New York. Elle était intitulée Irving Penn: Paintings.
Penn comme Cartier-Bresson et Bourdin rêvait d’être peintre. On ne peut que se réjouir de ces vocations ratées et de leurs migrations vers la photographie. Henri Cartier-Bresson et Guy Bourdin détruisirent leurs premières toiles, Penn en fit de même. Les seuls survivants de ces premiers travaux sont un groupe de dessins et, par la suite, Penn n’exposa jamais ses peintures. La Fondation Penn s’est non seulement décidée à les montrer mais a réalisé un formidable catalogue. C’est à cette découverte que nous consacrons la journée d’aujourd’hui. Dans ce premier article, Peter MacGill nous a donné son texte sur Irving Penn.
Jean-Jacques Naudet
Le fait qu’Irving Penn nous ait laissé un corpus relativement inconnu ne devrait pas nous surprendre, ni le fait qu’il ait réellement inventé un moyen de réaliser ses peintures. Au cours de mes vingt-deux années de collaboration étroite avec M. Penn, je ne savais pas que cette œuvre remarquable, forte et diversifiée était dans les tiroirs de son studio. Il a parlé de ses peintures et en a partagé quelques-unes au fil des ans, mais beaucoup d’entre nous qui le connaissions bien n’avaient aucune idée du pouvoir, de l’ampleur du travail.
Comme avec beaucoup de grands artistes, une apparente impossibilité devient leur point de départ. Penn commence avec une esquisse qui est ensuite agrandie et imprimée au platine sur laquelle il peut travailler. En procédant de la sorte, Penn a introduit une échelle et son processus d’impression platine bien-aimé dans sa méthodologie de peinture.
Les peintures de Penn consistent en une variété de matériaux et de techniques. En un sens, les lignes platines deviennent les limites à l’intérieur desquelles Penn peint à l’encre, à l’aquarelle, au sable, à la gomme arabique et au graphite. Une fois la ligne tracée, Penn était libéré des contraintes auxquelles il aurait pu faire face lors de la prise de photographies. Ce n’est pas qu’il n’était pas libre d’inventer à chaque fois qu’il choisissait sa vitesse d’obturateur, mais avec son appareil photo, la lumière faisait le dessin. Avec ses peintures, sa main faisait le dessin et quelle que soit la discipline, l’esprit de Penn a toujours joué un grand rôle dans la réalisation de son travail.
Ces peintures sont des inventions, à la fois techniques et esthétiques, mais n’est-ce pas ce que font les grands artistes? Pensez à Schwitters, Morandi, Malevich, Léger et à bien d’autres. Pensez au moment où Picasso et Braque ont introduit l’effet agité du projecteur de cinéma à manivelle dans leur travail alors qu’ils élargissaient les possibilités du cubisme. Le grand art invente de nouvelles façons de nous émouvoir.
Nous savons que Penn a créé un changement sismique avec ses photographies, dont beaucoup ont été réalisées pour les magazines. Que son travail effectué en privé, pendant son temps libre (je me suis toujours demandé comment cet homme pouvait avoir du temps libre), pourrait également transformer le monde visuel, est un autre cadeau que Penn a laissé qui nous laisse libre de réfléchir.
Peter MacGill