Photographe et réalisateur, Jamal Penjweny vit et travaille à Souleymania, au Kurdistan irakien, où il est né en 1981. Ses photos de la guerre du Golfe, en 2004, ont été largement diffusées et sa série Iraq Is Flying a été exposée partout dans le monde. En 2008, il a obtenu le diplôme de l’Institut de photographie de Londres. Ses derniers films documentaires, The Gun Market et Another Life, traitent du trafic d’armes à la frontière iranienne.
« Saddam est là. Les Irakiens ne peuvent l’oublier, même après sa mort, ceux qui l’aiment encore comme ceux qui le craignent toujours. Sorte de dieu, à la fois généreux et cruel, un “bon père”, mais aussi un criminel, qui a incité le peuple irakien à tuer et à être tué. Son ombre plane sur nous. Comme beaucoup d’Irakiens nés au début du conflit Iran-Irak, adolescents lors de l’invasion du Koweït, adultes pendant la guerre civile au Kurdistan et mariés au cours de l’intervention américaine, je suis un enfant de la guerre. Je suis photographe par accident : la sculpture et la peinture m’ont conduit à la photo, et la photo à la réalisation. Je ne photographie pas sur le vif. Ayant, depuis 2003, beaucoup travaillé pour la presse, je différencie le photojournalisme de la photographie. Mes premières images de Bagdad reflétaient des fragments de réalité ; je les ai ensuite rassemblés dans des séries plus conceptuelles. D’où le projet Saddam Is Here : pour explorer le rapport des Irakiens à la figure du dictateur après sa chute, j’ai choisi les personnages, le second plan, les combinaisons de couleurs. Chacun dissimule son visage derrière un portrait officiel de Saddam Hussein, fil rouge de ma série montrant comment les Irakiens restent marqués par son charisme. Saddam est là parce qu’il transparaît dans leur manière de penser, d’agir et de se comporter. Saddam est là aussi parce qu’il a été remplacé : nombre de leaders politiques – dont ses plus farouches opposants – ont hérité de son attitude despotique. Des décennies de guerre et de dictature font le quotidien d’Irakiens ordinaires, et j’ai voulu, ici, les présenter comme les héros de leur propre histoire. »
Françoise Huguier, commissaire
Texte extrait du livre-catalogue « Photoquai » coédition Musée du Quai Branly- Actes-Sud