Laura Serani est directrice du festival Planches Contact depuis 2019. Pour la troisième année consécutive, elle souhaite élargir et développer le rendez-vous photographique de l’automne sur la Côte fleurie de la Normandie, à Deauville. Entretien avec Laura Serani.
Comment décririez-vous l’esprit de cette nouvelle édition?
C’est bien sûr toujours une édition qui donne encore une grande place aux expositions en plein air – ce qui caractérise Planches contact depuis sa création en 2010 – avec notamment des expositions monumentales sur le littoral de Deauville. Et d’ailleurs le festival – née à l’initiative de Philippe Augier, maire de Deauville défenseur visionnaire du rôle de la culture – progressivement n’investit plus seulement la plage, mais toute la ville, avec des expositions et des installations un peu partout, de l’embarcadère au centre-ville, de la verrière de la piscine olympique aux bains pompéiens, aux trottoirs et aux bancs publics, avec le soutien des services de la ville. Mais la grande nouveauté cette année est liée à l’ouverture d’un nouveau lieu extraordinaire, l’espace culturel des Franciscaines, qui, ouvert en mai dernier, offre un contexte “muséal” et donne au festival une toute nouvelle dimension. Désormais les installations en plein air s’accompagnent de celles présentées dans la grande salle des expositions de cet ancien monastère , et cela rend possible ce qu’on ne pouvait pas faire avant : s’ouvrir à la video et au cinema, imaginer des installations, des expositions de vintage, des approfondissements, des initiatives tout le long de l’année … Ainsi, cette année les récits présentés aux Franciscaines sont ponctués de projections et un espace est dédié au premier film de FLORE, coproduit avec la fondation photo4food qui, depuis l’année dernière, participe activement au festival en intégrant la programmation avec quatre résidences supplémentaires et l’organisation d’une vente aux enchères de photographies au profit de la Croix rouge locale. Un nouveau partenariat avec la Maison Européenne de la Photographie (MEP), permet aussi d’organiser des focus sur son importante collection vidéo. Tout cela dynamise l’idée d’un festival/rendez-vous, avec des moments forts autour de la photographie dans un lieu idéal pour des conférences et des projections, avec une librairie, une bibliothèque diffuse et des espaces de documentation et d’échange. Le festival continue aussi à développer la partie pédagogique, avec plusieurs ateliers, notamment un work-shop avec Antoine d’Agata et la Leica Akademie, celui de Mathias Depardon avec des adolescents de la région, l’accueil de la première Masterclass reflexion 2.0.
Il faut dire que Planches Contact est un festival particulièrement integré à son territoire ?
Oui, la grande particularité du festival est le fait que 99% des travaux de photographes sont réalisés dans l’année dans le cadre d’une résidence à Deauville, avec comme objectif un travail sur le territoire, ou réalisé sur le territoire, élargi désormais de la ville à la région alentour. De ce fait, les artistes et nous travaillons ensemble d’une façon très particulière et “sans filet”, avec des résidences organisées en général entre janvier et juillet et, presque en simultanée la production des expositions, la conception de la scénographie, l’édition du catalogue … C’est passionnant, car c’est une sorte de laboratoire où les projets prennent vie et forme, où la photographie d’aujourd’hui prend forme. On voit comment les idées évoluent… On voit naître les images, la construction ou la dé-construction narrative. Dans une période où les aides à la production ne sont pas très fréquentes, je pense qu’un festival comme Planches Contact peut jouer un rôle important pour les photographes, en les encourageant et en les aidant à produire des images qui peuvent s’inscrire dans leurs parcours d’auteur. En même temps, cela permet à la ville de constituer une collection d’envergure au fil des éditions qui va être régulièrement exposée aussi.
Cela permet de voir des écritures photographiques très singulières réalisées dans le même environnement…
Oui, et dans le choix des photographes invités, on est attentifs à la variété de regards, avec des artistes au profil parfois même inattendu, par rapport à un festival de commandes, éléments qui réservent des belles surprises. C’est un défi pour le photographe qui découvre un lieu que parfois il ne connaît pas du tout et qui doit répondre à une commande publique qui, même si très libre, impose un temps et des modalités, comme par exemple “la vie communautaire”, pendant le moment des résidences. Et aussi un défi pour le festival d’accompagner au mieux, participer à l’élaboration des projets, faciliter les démarches et créer une atmosphère favorable à la production et aux échanges. Les moyens mis à disposition par la ville, les dispositifs d’accueil, l’échelle XXL du festival, la grande disponibilité et le professionnalisme de Camille Binelli, responsable du Pôle photographique des Franciscaines qui travaille avec moi pour le festival en tant que coordinatrice, et de l’ensemble des équipes, jouent un rôle capital dans la réussite de cette aventure. A coté des photographes “invités”, avec tout un volet dédié aux photographes émergents, le « tremplin », le festival réserve une place et une vitrine importantes aux artistes plus jeunes et à la découverte de nouveaux talents. La cohabitation, parfois de dix photographes d’horizons différents pendant les résidences, permet de nombreuses rencontres et des échanges insolites, intéressants et enthousiastes ; ainsi au fil du temps, on a vu un cercle se créer, s’élargir et se retrouver chaque année autour des nouveaux participants que nous attendons avec impatience pour ces journées inaugurales qui ouvrent le 29 octobre.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Gauvin
Planches contact
Festival de photographie de Deauville Du 23 octobre 2021 au 02 janvier 2022
Le programme sur : https://planchescontact.fr/fr