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Interview avec Takayuki Ishii par Anne-Claire Meffre

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La galerie Taka Ishii, l’une des plus importantes du Japon, a ouvert en juin dernier à Paris un espace dédié à la photographie japonaise et aux livres vintage ou récents. À Tokyo, la galerie, divisée en trois espaces spécialisés, montre des grands maîtres de la photographie — Gary Winogrand, Larry Clark, Nobuyoshi Araki, Daido Moriyama… —, des jeunes émergeants et des plasticiens contemporains occidentaux comme Thomas Demand, Dan Graham, Elmgreen & Dragset ou Cerith Wyn Evans, établissant des ponts entre avant-garde d’hier et d’aujourd’hui.

Après Shomei Tomatsu et Keiichi Tahara, la galerie Taka Ishii Paris expose jusqu’au 29 novembre le beau travail lumineux, à la fois classique et très contemporain, du jeune photographe Yosuke Takeda (né en 1982), et enchaîne ensuite avec les reportages de Takashi Hamaguchi sur les révoltes étudiantes des années 60 au Japon, du 4 décembre au 24 janvier.

Nous avons rencontré l’élégant et flegmatique Takayuki Ishii sur le stand de sa galerie, dans la fièvre de Paris Photo, à laquelle sa galerie participe depuis 2008. Il nous raconte ses passions de galeriste.

J’étais étudiant en art dans le milieu des années 80. Dans le cadre de mes études, je suis parti pour Los Angeles. Nous étions à l’époque en pleine bulle économique, au Japon comme partout. Je travaillais à temps partiel : j’achetais et je vendais de l’art. Je voulais devenir peintre à ce moment-là : c’était une erreur (rires) ! En attendant, je visitais des ateliers et des galeries, je rencontrais des artistes. Cela m’a donné envie de travailler avec les artistes. En 1991, mon père est tombé malade donc je suis rentré à Tokyo et j’ai décidé d’y rester. Dans un premier temps, j’ai continué à acheter et vendre de l’art, mais cela ne m’amusait pas beaucoup. J’ai donc décidé d’ouvrir une galerie sans savoir comment m’y prendre. Je n’avais pas d’argent, j’ai installé la galerie au rez-de-chaussée de la maison de mes parents. J’ai choisi de montrer en priorité de la photographie, parce que j’étais peintre et que je voulais mettre en avant un autre medium. Pour notre première exposition en 1994, nous avons montré les photographies de Larry Clark, un choix fort. Pour sa seconde exposition à la galerie, en 1996, nous avons publié la version japonaise de son livre Tulsa, nous avons imprimés mille exemplaires qui ont été épuisés en deux mois. Dès le début, nous avons aussi exposé Nobuyoshi Araki, Daido Moriyama…

Quand j’ai commencé, les photographes de la vieille génération, parmi lesquels Takashi Hamaguchi, Shomei Tomatsu, Kiyogi Otsuji, étaient très peu connus, même au Japon. J’ai été un des premiers à les exposer. Aujourd’hui ils inspirent la génération montante et deviennent de plus en plus populaires, davantage de galeries les montrent. L’été dernier, par exemple, beaucoup de jeunes photographes sont venus voir Kamaitachi, l’exposition d’Eikoh Hosoe à la galerie.

Avant d’inviter un artiste dont le travail m’intéresse à nous rejoindre, j’ai besoin de le rencontrer, de voir s’il est possible de construire avec elle ou lui une relation dans le temps. C’est un peu comme un mariage, il faut comprendre si cela peut fonctionner.

Dans les années 90, je m’intéressais d’avantage à la “straight photography”, qui représente la réalité telle qu’elle est, plutôt qu’à la photographie conceptuelle. Aujourd’hui c’est l’inverse : j’ai donc ouvert plusieurs espaces à Tokyo pour montrer les différentes formes de l’art. Nous montrons la photographie classique dans la galerie qui lui est dédiée, et qui propose aussi des films de photographes, et la photographie conceptuelle et les plasticiens contemporains dans une autre, comme Yosuke Takeda ou Yuki Kimura, par exemple.

Le marché de la photographie au Japon est encore restreint, mais il se développe. J’ai monté une association qui regroupe 25 galeries japonaises de photographie et nous faisons une petite foire à Tokyo. Les collectionneurs qui achètent à la galerie viennent du monde entier, ils sont japonais bien sûr, mais aussi chinois, français ou italiens. Si la majorité d’entre eux collectionnent uniquement la photographie, nous voyons de plus en plus de collectionneurs d’art contemporain depuis cinq ans. Cela prouve qu’il y a un marché.

J’ai eu envie d’ouvrir un espace à Paris parce que la ville a une longue histoire avec la photographie, davantage je pense que d’autres capitales occidentales. Il y a un public ici pour la photographie japonaise.

En ce moment à Paris, nous montrons Yosuke Takeda. Sa photographie est classique, sans manipulation, et pourtant elle a une qualité conceptuelle, c’est ce qui me plaît. Il travaille sur la réalité de la vision, s’interroge sur la photographie comme medium : on sent qu’il a étudié la philosophie. Ses images sont très belles, très planes, avec des couleurs étranges : le blanc, par exemple, est le blanc du papier parce qu’il a photographié à contre jour, on ne voit donc pas les limites de l’image.

L’exposition suivante montrera des reportages de Takashi Hamaguchi , qui sont un bon témoignage de leur temps : une époque où tout le monde avait plus de pouvoir et de force — les gouvernements, les manifestants, les idéologies… Mais pas la même conscience de la réalité : l’accès à l’information n’était pas le même qu’aujourd’hui, il était impossible de vérifier les informations, de se faire une vision personnelle et objective des choses.

Takayuki Ishii

 

Taka Ishii Gallery
119, rue Vieille-du-Temple
75003 Paris
http://www.takaishiigallery.com

EXPOSITON EN COURS
Yosuke Takeda – Stay Gold
Jusqu’au 29 novembre 2014

EXPOSITION A VENIR
Takashi Hamagushi – Student Radicals, Japan 1968-1969
Du 4 décembre 2014 au 24 janvier 2015

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