« Pour les photojournalistes, les années 1930 ont représenté la pire et la meilleure des époques. La guerre faisait rage en Europe et en Extrême Orient, et l’Amérique marchait inexorablement vers sa destinée. Sur ce fond sinistre, la photographie documentaire entrait dans son âge d’or. Il y avait de nouveaux magazines photo, de nouveaux appareils 35mm, de nouvelles pellicules Kodak, mais aussi une nouvelle attitude en photojournalisme, » écrit Raymond H. DeMoulin, vice-président de l’Eastman Kodak Company, qui a contribué à la réalisation de l’album à succès et de l’exposition In Our Time (Dans notre temps, 1989).
Couvrant la période cruciale du 20ème siècle, l’exposition présentait certains clichés Magnum parmi les plus iconiques et historiques, depuis les photographies de la seconde guerre mondiale prises par Robert Capa et Henri Cartier-Bresson jusqu’aux portraits d’Eve Arnold. Aujourd’hui, alors que Magnum continue à célébrer ses 70 ans, Magnum Photos ranime cette exposition phare à la Magnum’s Print Room de Londres et en ligne, sur la Magnum Shop.
On y retrouve des noms qui se confondent avec l’histoire de Magnum et avec les œuvres qui les ont fait y entrer, comme ceux d’Elliott Erwitt, Marc Riboud, Gilles Peress, Alex Webb, Raymond Depardon, Harry Gruyaert, Dennis Stock, Burt Glinn, Bruno Barbey, Jean Gaumy, et d’autres.
« Magnum a eu sa part d’exclusivités et d’articles majeurs, comme les premières images non censurées de Robert Capa derrière le Rideau de Fer en Union Soviétique avec l’écrivain John Steinbeck, originellement publiées dans le Ladies’Home Journal (selon le directeur photographique du journal, John Morris, devenu par la suite directeur exécutif de Magnum, Capa aurait reçu pour ce reportage 20 000$, contre 3000$ pour Steinbeck) », écrit dans l’album In Our Time Fred Ritchin, doyen du Centre international de la photographie (ICP), à propos des débuts de l’agence. « Il faut aussi compter le travail de Capa et Chim en Israël, le reportage phare de Cartier-Bresson en Inde en 1948, à l’époque de l’assassinat de Ghandi, ainsi que son travail réalisé en Chine en 1949, année phare où les Communistes ont pris le contrôle du gouvernement, ainsi que son reportage sur l’indépendance de l’Inde et de nouveau, l’Union soviétique. »
Faisant suite à ces premières œuvres photojournalistiques innovantes, le premier nouveau membre, Werner Bischof, a repris le flambeau en réalisant des reportages au Japon, en Inde et en Corée, et George Rodger a poursuivi son voyage implacable, fournissant chaque semaine des reportages réalisés sur des plateaux de tournage – à l’image du reportage réalisé par un groupe de photographes Magnum missionnés pour prendre des photos de Marilyn Monroe et Clark Gable sur le tournage de The Misfits (Les Désaxés en français) – mais aussi des commandes et collaborations culturelles avec les artistes les plus célébrés de l’époque et des commandes de photos de presse, qui ont vite nourri les archives et les listes Magnum.
« A cette époque, un photographe avait un avantage de taille : certaines larges zones du monde n’avaient presque jamais été photographiées. On pouvait choisir d’aller presque où l’on voulait, même sans commande, » écrit Ritchin, rebondissant sur les déclarations de George Roger, qui explique qu’au début, « quels que soient les sujets photographiés, les magazines en voulaient ; l’erreur est d’avoir cru que cela allait durer. »
Plus tard, tandis que les photographes sont de plus en plus nombreux à rejoindre les rangs de l’agence et que l’industrie du photojournalisme évolue, les photographes Magnum tournent leurs objectifs vers de nouveaux sujets et changent de style. Leurs œuvres intègrent plus d’intimité et de points de vues personnels, même s’ils produisent tous des photos représentatives de leur époque.
David Hurn a photographié l’Angleterre et dressé un portrait de son Pays de Galles natal ; Bruce Davidson a suivi des gangs d’adolescents de Brooklyn ; Leonard Fredd a publié son témoignage du mouvement pour les droits civiques sous le nom de Black and White America ; Sergio Larrain est allé chez lui au Chili pour réaliser ses photos phares de la vie des rues, et Costa Manos a entrepris un voyage qui constituait une découverte de son propre héritage autant qu’un reportage, avec son Greek Portfolio. « Leur intérêt pour les marges s’accompagnait d’un désir de réduire la distance entre le photographe et ce que l’on nomme exotisme, pour commencer à s’impliquer plus avant dans les vies des autres, » écrit Ritchin.
En revisitant cette collection estimée des œuvres, Magnum Photos rend disponible aux collectionneurs un grand nombre de tirages d’époque de la collection originale In Our Time, dans la Magnum’s Print Room de Londres, ou en ligne via la Magnum Shop. Tous les tirages noir et blanc sont sur gélatine, et les tirages en couleurs ont été réalisés par transferts. Il s’agit des tirages originaux de 1989, alors présentés à la Galerie Hayward dans le cadre de l’exposition In Our Time, devenue l’une des expositions photographiques les plus consacrées de ces dernières décennies, montrée à travers quinze pays du monde entier.
Laura Havlin
Laura Havlin est rédactrice numérique chez Magnum Photo à Londres.
In Our Time
Du 21 septembre au 3 novembre 2017
Magnum’s Print Room
63 Gee Street
Londres, EC1V 3RS
Royaume Uni
https://shop.magnumphotos.com/collections/in-our-time-period-prints-signed