Christian Simonpiétri, reporter de guerre, photographe de charme, guitariste, aventurier
Christian est né de père Corse en 1940 à Saigon, en Cochinchine, aimait-il préciser où il passe son enfance, ses parents se séparent et il est partagé entre le Vietnam, la France, et la Corse, puis il continue ses études de philo à Nice, chez sa tante Rose. A la mort de son père, il revient à Saigon pour reprendre la compagnie familiale de transport où il s’ennuie à mourir. Il a 22 ans. La guerre du Vietnam a commencé et les Américains débarquent, les marines, les Gi’s, les journalistes, les photographes…Christian parle bien l’anglais et se lie immédiatement d’amitié avec eux. Il rencontre le fameux photographe de Life magazine Larry Burrows qui lui offre un Nikon et il devient ami avec Tim Page, Sean Flynn, Michael Herr, Eddie Adams et rencontre décisive en mai 1968, Henri Bureau lui présente Hubert Henrotte : marcher conclu en 5 minutes dans le bistro d’à côté et c’est pour Gamma qu’il “couvre“ l’attaque de Saigon et les batailles de Hue, Khe Sanh et la deuxième offensive du Tet… il est devenu un photographe de guerre. Le Vietnam, c’est l’enfer et les photos de Christian restituent cette atmosphère terrifiante. Ses photos sont dans Paris Match et dans la presse internationale.
Mais, plus qu’un photographe de guerre, c’est l’aventure qui plait à Christian. “C’était le Western et le Rock and Roll quand on était sur le terrain…Puis on allait à Saigon, on picolait, on écoutait les Rolling Stones, et on fumait des joins.“
Et pourtant, des guerres, il en fera d’autres : l’indépendance du Bangladesh en 1971. Sa photo montrant des soldats tuant à la baïonnette les rebels pro-Pakistanais sera retenue dans la série des 100 plus grandes photos du siècle. Puis, l’Israël en 1973 et sa photo iconique des prisonniers Syriens pendant la guerre du Yom Kippour.
Time et Newsweek se battent pour avoir ses photos. J’organise une rencontre entre Eddie Adams et Christian qui ne se sont pas vu depuis le Vietnam, grand moment d’émotions.
On est en 1973 et c’est le clash Gamma/Sygma. Jean Pierre Laffont et Alain Nogues se rappellent que c’est dans la voiture de Christian, une vieille Jaguar bordeaux, 4 portes, garée juste devant le 4 rue Vacquerie que sont empilés les diapos, contacts et négatifs mais l’arrière de la voiture est surchargée et ne démarre pas, les carburateurs étant désamorsés. Ils éclatent tous de rire… sacré Christian… à cause de sa voiture d’un autre temps, le divorce du siècle aurait pu mal tourner…
Suivent quelques années à Paris mais le monde de la politique française ennuie Christian profondément.
Il voulait vivre “à fond la caisse“ et ne craignait pas le danger mais rien n’est plus dur que le reportage de guerre et tant de souffrance commençait à lui peser. Il quittera progressivement le news pour le people, d’abord en photo, puis à la caméra. C’est Monique Kouznetzoff qui l’envoie à Los Angeles, “le people, c’est la pause“ disait-il.
Ainsi commence sa nouvelle période de “photographe de charme“ Appellation qui lui allait si bien, Christian était le charme même.
Le charme c’est aussi l’actualité heureuse, les gens y sont beaux, célèbres et l’agence Sygma y excelle. Dans sa maison de West Hollywood, pleine de Mickey et Minnie Mouse, les copains de France et les photojournalistes du monde entier, toutes agences confondues y défilaient. C’était chez Christian que Jean Pierre habitait quand il allait à Los Angeles. Je l’accompagnais souvent et j’aimais nos soirées ensemble. Jean Pierre faisait la cuisine et Christian et moi évoquions du Vietnam, pas de ses photos dont il n’aimait pas parler mais des amis qu’il avait rencontrés là-bas et auxquels il était profondément attaché. Nos discussions duraient tard dans la nuit puis Christian jouait de la guitare et on écoutait la musique d’Elvis Presley.
C’est une époque où il n’y a pas encore de publiciste, Kouzo est en rapport direct avec les stars qu’elle présentera à Christian et très rapidement, il deviendra ami avec certaines des plus grandes stars d’Hollywood de l’époque, Nastassja Kinski, et son père Klaus Kinski, Patrick Wayne, fils de John Wayne, Sylvia Kristel, Francis Ford Coppola avec qui il se lira d’amitié pendant le tournage de Rusty James avec Matt Dillon et Mickey Rourke, Yul Brynner, Tippi Hedren, Clint Eastwood, et de nombreux musiciens, Michel Polnareff, mais sa plus belle rencontre sera avec David Bowie qu’il trouvait le plus bel homme, le plus gentil, et le plus cultivé qu’il avait rencontré dans sa vie et dont il fera des photos inoubliables.
Mais, Hollywood le lasse, les publicistes arrivent et il refuse de se soumettre aux nouvelles règles et aux contraintes. Il rentre en France et habite un pavillon de banlieue au bois de Vincennes, juste en face du zoo. On voyait les girafes des fenêtres de son salon et le soir, à la tombée du soleil, on ouvrait grand les fenêtres pour entendre les rugissements de lions mêlés aux cris des oiseaux…Exotique, hors du temps, comme Christian.
Enfin ce sera la Corse, le pays où son père l’emmenait en vacances quand il était enfant.
Personnage atypique et inoubliable, photographe risque-tout et touche à tout, ami plein de finesse et d’intelligence, baroudeur éternel, au revoir Christian, nous ne t’oublierons jamais.
Eliane Laffont – 1er mars 2023
Nous avons aussi reçu ce texte très touchant de Cédric Therin.
Voici la chance que j’ai eu, il y a quatre ans et demi d’avoir croisé le chemin de Christian.
J’ai eu la chance et l’honneur, de là, est née une amitié et une collaboration, il est devenu mon maitre en photographie. Alors je ne vais pas épiloguer pendant 107 ans sur ce grand monsieur, car il n’aimait pas ça du tout, je vais juste dire quelques petites phrases sur lui :
C’était un homme très bon, quelqu’un de très intelligent avec beaucoup d’humour, professionnel et perfectionniste dans tout ce qu’il faisait. J’ai eu la chance et l’honneur d’être à ses côtés presque tous les jours pour apprendre. D’ailleurs il me disputait le matin quand je ne regardais pas assez « l’Oeil de la Photographie ». J’adorais écouter pendant des heures ses récits, ses anecdotes, ses aventures et c’est par ce biais que j’apprenais et que je construisais mon background photographique, ainsi que par tous les livres qu’il me prêtait. C’était une personne très discrète, qui n’aimait pas trop parler de lui. C’était un grand homme avec un grand H, et très travailleur pour son âge. Notre dernier projet commun était celui de l’exposition pour La Maison Blanche à Marseille, sur lequel nous travaillions encore jusqu’à la vieille de son départ brutal.
C’est quelqu’un qui a changé ma vision et ma vie, et j’apporte tout mon soutien à sa fille Valérie, et à sa petite fille Laura. J’aimerai partager cette phrase qu’il me répétait sans cesse « On est pas là pour rigoler Coco. »
Cédric Therin