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Immixgalerie : Collective Atelier B_Photo : Archives et ainsi de suite

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Jusqu’au 30 mars, Immixgalerie présente une exposition collective intitulée : Archives et ainsi de suite. Avec les oeuvres de Christelle Boulin, Jean-Luc Chekroun, Françoise Constant, Nathalie Guepratte, Gloria Karayel. La curatrice Gloria Karayel a écrit ce texte :

Il n’y a pas d’heureux hasard dans cette exposition. Pas de valises chinées dans les brocantes qui dévoileraient des précieux négatifs. Pas de découvertes photographiques à la fortune des nouveaux propriétaires d’une vieille maison. Il n’y a pas, non plus, de clichés retrouvés d’aventure après tant d’années d’oubli dans un tiroir. Si l’on parle d’archives ici, ce n’est pas à partir de la matière première: document historique, trouvaille accidentelle ou souvenir du passé, mais de sa transformation plastique en objet photographique. En ce sens, l’archive est plus ce lieu où les documents sont conservés que le document lui-même. Conserver? Pas vraiment. Trouver des vieilles photos, quelques papiers jaunis par le temps, des objets ayant appartenu à quelqu’un qui n’est plus, ce n’est qu’un point de départ.

Larchive-objet

Dans « La parole des choses » (Nathalie Guépratte) tout commence à partir d’un plan d’architecte, celui d’une maison que le grand-père de l’artiste avait fait construire. Ce projet devenu lieu de vie, s’est transformé depuis en souvenir, image mentale, une chose du passé liée au présent de par la présence unique d’un objet retrouvé. « Cette petite construction, que je n’ai jamais habitée, rétablit un lien entre le monde à l’intérieur de moi, issu de l’histoire de la famille, et celui de l’extérieur» raconte l’artiste. A l’instar de la maison qui n’appartient plus à sa famille mais qui est devenue, néanmoins, cette archive où les « choses du passé » sont conservées, l’artiste ne montre pas ses objets-souvenirs mais leur photo encadrée, manière de prendre du recul par rapport aux sentiments, mais aussi de raconter quelque chose que la chose seule ne peut pas dire. En prenant la place des objets en tant que « véhicules de mémoire », leurs photos réinjectent les souvenirs subjectifs dans la mémoire collective et alimentent la complexité des rapports entre le réel et sa représentation.

La forme de l’archive

Quelle est donc la nature de ces héritages qui nous tombent inévitablement dans les mains à la disparition de nos ancêtres? Sont-ils vraiment là pour documenter un passé qui n’est plus? Pour nous raconter une petite histoire dans la grande? Nous dévoiler des secrets de famille? « Le cartable » (Jean-Luc Chekroun) contourne la banalité du « donner à voir » par la voie formelle. En s’éloignant de l’aspect mémoriel, les objets jadis appartenus à autrui deviennent un matériau brut à manipuler, à modifier, à construire même. Une étape après l’autre, comme pour la réalisation d’un film, l’artiste choisit son cadrage, dirige les mouvements de caméra, s’occupe du découpage et du montage à partir d’un scénario donné. « Depuis la mort de mon père, je garde à côté de moi un vieux cartable qui lui appartenait. Je n’ai jamais voulu ni en faire l’inventaire, ni explorer son contenu en détail. Je n’en attends pas de réponse pouvant éclairer un passé. Je m’interroge plutôt sur son devenir, sa destination, sa persistance après moi ». Sans dévoilement, sans révélation, sans idéalisation, l’artiste propose une histoire qui n’est que forme photographique.

Construire l’archive, archiver la mémoire

De la petite à la grande histoire, « Mémoire répétition absence » (Françoise Constant) est un aller-retour dans le passé avec un détour par l’imagination et l’auto-réflexion. A partir de son expérience de lecture de « Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas » d’Imre Kertész, l’artiste construit une archive à la fois imaginaire et factuelle, terriblement personnelle dans son devoir de mémoire afin de lutter contre l’oubli d’un passé commun qui paraissait autrefois indélébile. Si la matière première ne lui appartient pas, le geste créatif est, lui, une expérience vécue, le ressenti puissant de faire partie d’une histoire plus grande que soi. Telle une architecture imaginaire, ce triptyque est une sorte de mémorial, la construction d’une empreinte historique sous le signe de l’empathie. Humblement, se souvenir c’est faire partie de l’humanité.

Méta-archives

La même photo prise cent fois pour saisir une émotion jamais atteinte. Retourner toujours au même endroit, partir du même cadrage, refaire sans cesse le parcours bien connu afin de retrouver ces images qu’on connait par coeur, être incapable de changer de point de vue. Obsession, répétition, frénésie, accumulation, impossibilité de s’arrêter. Encore et encore, à toutes les heures du jours et à chaque saison de l’année. Et se sentir envahi après coup, par toutes ces images qui se rassemblent, être submergé par l’émotion qu’elles provoquent, chacune d’entre elles. Finalement, ne pas savoir choisir, ni avoir le courage de jeter. « Obsession, indécision» et « Recto / Verso » (Christelle Boulin ) sont deux travaux méta-photographiques, deux tentatives de raconter la sensation de trop plein visuel face à sa propre archive photo. A l’ère de l’image compulsive qui naît avec la photo numérique et qui s’intensifie avec les possibilités de stockage illimité du cloud, l’archive photo n’est plus un passé mais un présent continu, un défilement sans fin et parfois banal d’images, qu’on cataloguera -peut-être- dans le futur.

L’invention d’une archive

Il était une fois des archives qui n’ont plus de futur, ni un présent d’ailleurs. Ce sont les archives qui ont été détruites, effaçant au passage toute trace du Ça-a-été. Plus aucune image pour témoigner ou pour documenter, plus de reconnaissance possible d’une réalité, d’une chose ou d’un événement passés. Pour pallier à cette absence de souvenirs visuels dans une histoire qui a été (ou qui aurait pu être, pourrait-on dire),« D’avant la guerre civile » (Gloria Karayel) invente une archive de toute pièce. A partir d’une image mentale, comme un souvenir visuel de l’artiste, le geste photographique re-créé, prend le dessus de la mémoire et s’impose en tant que transcription possible d’une histoire qu’on avait souhaité oublier. Mais encore une fois, plus que du recueil de choses anciennes (Archéo), c’est de l’acte de commencer et de commander (Arkhein) qu’il s’agit: création, plutôt que conservation.

Gloria Karayel

 

Archives et ainsi de suite
Jusqu’au 30 mars 2024
Immixgalerie

116, Quai de Jemmapes
75010 Paris
https://immixgalerie.fr/

 

 

 

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