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Images inédites et colorées du New York des années 80, par Frank Horvat

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La série New York Up and Down, 1982-1986 du photographe français Frank Horvat est exposée pour la première fois dans son intégralité. C’est à Anvers, en Belgique. 

Frank Horvat, né en 1928 à Abbazia, ville italienne aujourd’hui croate et devenue Opatija, n’a jamais apprécié les frontières. Sa vie est faite de migrations, forcée tout d’abord, lorsqu’à la fin des années 30, la guerre pousse sa famille juive à se réfugier en Suisse, d’où il regarde enfant le monde s’entretuer. Voulue ensuite, quand il émigre en France après le chao, à Paris puis à Boulogne précisément, « pour l’espace et le prix du loyer », et entreprend ses premiers voyages photographiques : Inde, Pakistan, Israel, Japon, Egypte, Etats-Unis ou plus proche de lui, Angleterre et Italie. Frontières territoriales mais également photographiques.

Frank Horvat a touché à tout : photojournalisme, photographie de mode, paysages, animaux, natures mortes, et même conception numérique. Aujourd’hui, c’est presque ce qu’on lui reproche : il n’entre pas dans les cases, ne satisfait pas cette catégorisation dans laquelle la photographie s’est engluée au fil du temps.

Il faut bien le remonter pour s’expliquer sa vision. C’est à Paris, en 1950, qu’il rencontre Henri Cartier Bresson, son influence de toujours, à qui il va montrer ses premières images réalisées au Rolleiflex, dans les bureaux de Magnum. Le « maître d’école » retourne alors les épreuves à l’envers. « Vos yeux ne sont pas sur votre ventre, lui rétorque-t-il. Et vous n’avez rien compris. Allez au Louvre et regardez les peintures de Nicolas Poussin pour savoir ce qu’est la composition. » Il nuance cependant son avis. « Doisneau disait que le Rollei donne une attitude humble, se rappelle Frank Horvat, il fait s’incliner le photographe face au sujet. Avec le Leica, vous êtes un chasseur, qui le met inévitablement dans sa ligne de mire. » Le jeune Frank saisit surtout le désir d’égalité qu’a alors la photographie à l’égard de la peinture. Sous l’impulsion du père de « l’instant décisif », il comprend qu’elle doit être un art plastique à part entière. Présente dans de nombreuses images au caractère pictural, cette idée ne quittera jamais son esprit.

Frank Horvat est d’abord un photographe d’abord connu pour ses images de mode, et reconnu pour leur réalité. Comme son contemporain William Klein, il a été à partir de 1957 l’un des premiers à confronter les modèles à la rue, à la foule ou à l’authenticité des intérieurs d’appartements. Plus par nécessité que par conviction. A l’époque, il ne sait travailler qu’en 24 x 36 et ne possède pas de studio. En appliquant ses talents de reporter à la mode, il va bouleverser ses codes et rendre folles les éditrices ou stylistes. « Je m’intéressais beaucoup aux filles, narre-t-il, je voulais montrer ce que j’aimais en elles. Quand elles passaient deux heures au maquillage, je les pressais de l’enlever pour qu’elles soient plus naturelles. »

New York a toujours inspiré de nombreux grands photographes : Joel Meyerowitz, Bruce Davidson et Saul Leiter ne sont que quelques-uns des grands maîtres de la photographie de rue qui ont proclamé la ville comme leur sujet de prédilection. Horvat, qui n’a jamais vécu à New York, a profité de cette position « d’outsider » pour réaliser une série d’images plus douces mais tout aussi surprenantes. Puisant dans ses antécédents de photographe de mode et de photojournaliste, il a su établir un nouveau portrait, cette fois ci d’une ville, et à la fois esthétique et humaniste.

Sa série New York Up and Down, réalisée dans les années 1980, est donc un hommage personnel à la vibrante métropole, sous toutes ses facettes, des dames mondaines se promenant à Central Park ou sirotant un café derrière une fenêtre, aux minables wagons de métro plein de graffitis et aux sans-abris à la recherche d’un endroit pour dormir. « J’y allais à raison de deux voyages par an, en été et en hiver, quand la ville est la plus désagréable », explique-t-il, en évoquant avoir utilisé la suggestion. « Le hors champ a toujours été important, explique-t-il, il permet d’imaginer ce qui n’est pas représenté. La seule chose qui éveille l’imagination est ce qu’on ne montre pas, ce qui est en dehors du cadre. »

À l’époque, New York subit des taux élevés de criminalité et de nombreux quartiers sont pratiquement des zones interdites. En choisissant regarder autant vers ses sommets que ses bas-fonds, Horvat a réussi à capturer l’atmosphère spécifique et une réalité brute.

Ce voyage nostalgique dans une ville qui n’existe plus en tant que telle, est renforcé par la qualité granuleuse des estampes et les couleurs typiques du Kodachrome. Pour Horvat, qui utilisait rarement la couleur, la vie trépidante de New York l’encouragea, pour la première fois, à explorer pleinement les possibilités de la photographie en couleur.

 

Jonas Cuénin

  

New York dans les années 80, by Frank Horvat
9 février – 7 avril 2018
Zirkstraat 20
2000 Antwerpen
Belgique
 
www.gallery51.com
 

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