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Hervé Guibert : De l’Intime

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Hervé Guibert, Le Chat Zen et la Souris

Hervé Guibert est toujours dans mes pensées. Une cohabitation plutôt silencieuse, qui s’accorde à notre désir de mélancolie, à ces jours à pas feutrés où nous jouons au chat et à la souris. Je suis la souris, il est le chat. Un chat tendance Sôseki, très sensible à la chaleur, doué d’un sens de l’observation particulièrement délicat, et de cette ritualité spatiale si utile aux nyctalopes.

Autre bien commun : la photographie, qui transforma Hervé Guibert en chroniqueur argentique grâce à Yvonne Baby (qui dirigeait le service culturel du Monde), puis en photographe avec un Rollei 35, cadeau de son père. Écrire sur la photographie lui a donné une généalogie ; il a questionné Ilse Bing et André Kertész, Duane Michals et Jacques- Henri Lartigue, Gilles Ehrmann et Édouard Boubat… Il est, temps béni, quasiment le seul à prendre possession des lieux et des livres d’images dont il rend compte avec des mots extrêmement précis, ne se laissant jamais griser par l’éventuelle notoriété de son sujet.

En mai 1980, changement de perspective, il accroche Suzanne et Louise, ses grands-tantes aux longs cheveux, sur les cimaises de la galerie Agathe Gaillard, puis Le Seul visage, à l’automne 1984, fruit d’un livre d’aventures intérieures publié par les éditions de Minuit.

Alors qu’il est un écrivain tranchant, il sera un photographe sans griffes, du moins je le perçois ainsi. Il me paraît être en retrait, à la limite de l’empreinte, lui se dit juste prudent.  Pas de parade, la simplicité irrigue ses portraits, parfois animé par l’esprit du quotidien, comme s’il voulait faire apparaître, ou disparaître, le lien mystérieux qui l’attache à ses proches. Christine, Thierry, Michel, Mathieu… Chaque image témoigne de cet amour inspiré, aussi d’une certaine jeunesse, comme le souligne Agathe Gaillard : « Une jeunesse libre, intrépide, qui n’avait pas peur d’être ce qu’elle était ».

Aucune tentation narcissique, ou pas plus que ça dans ses autoportraits d’une grande sobriété. Sa beauté n’est pas un visa. Ou un embarras. Il est au-delà de la photogénie, il cherche la vie, l’ombre et la lumière l’absorbent – ou le consument. Ne pas oublier le soleil nourricier, un chat est un chat. Une chaise lui sert d’échelle, un tableau de prétexte à se faufiler dans le cadre. Çà et là, d’autres objets intimes attendent leur tour, billes, livres, tableaux.

Le noir et blanc lui va comme un gant, c’est son encrier, peut-être même son bouclier contre le mauvais sort. Il écrit. Il s’approprie la photographie. Il avance dans l’obscurité et trace sa propre légende sur pellicule.

Le sait-il ?

À une époque où régnait le scoop et où il était chic et choc d’exposer des intérieurs de réfrigérateurs, des touristes écarlates, des torses velus et des gosses affamés, Hervé Guibert a imaginé une esthétique dominée par l’inattendu.

Qu’en pense le chat ?

« Avec l’énergie dont je déborde, je n’aurais aucune difficulté à prendre une ou deux souris même en dormant, si seulement je le voulais. Jadis, on a demandé à un célèbre maître de Zen comment faire pour atteindre la Vérité. Il a répondu : « Faites comme le chat qui guette une souris ». (1)

 Brigitte Ollier

 

(1)Citation extraite de Je suis un chat de Natsume Sôseki, traduit du japonais par Jean Cholley (Gallimard/ Unesco, 1986)

 

 Hervé Guibert : De l’Intime

janvier 24 – march 14, 2020

Les Douches La Galerie

5, rue Legouvé 75010 Paris

www.lesdoucheslagalerie.com

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