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Hannah Darabi: Le printemps des mots et des photographies en Iran

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À l’occasion des quarante ans de la révolution iranienne (1979), le BAL célèbre la liberté d’écrire et de photographier qui a eu lieu à cette période dans le pays. Un émouvant kaléidoscope menée par la baguette magique de l’artiste iranienne Hannah Darabi et sa complice, la chercheuse Chowra Makaremi.

Sous des couvertures surannées, aux formats étranges et colorés, se cachent des mots libres intentés contre l’autoritarisme et la dictature. Cette frise de livres exposée dans le premier espace dédié à cette exposition offre un panorama du foisonnement littéraire qui a eu lieu en Iran au lendemain de la Révolution de 1979. Jusqu’au milieu des années 1980, le pays a connu une forme de printemps où il était permis de confectionner des livres avec ardeur, sensibilité et humour et que bien vite, on interdira. L’artiste Hannah Darabi a eu le génie de récolter ces ouvrages dont une partie est bannie par le régime iranien actuel. Ce sont des textes divers, allant de la confession d’un prisonnier à la critique ouverte contre l’importance de la religion musulmane ou encore des réflexions qui prônent le marxisme… Mais des livres libres, faits par attachement à l’indépendance d’esprit qui a, depuis, été la proie d’un régime fermé sur lui-même et qui pratique la censure.

« Jours de sang, jours de feu »

Les mots, mais aussi les images. Dans une seconde partie, l’exposition présente l’incroyable collection de livres de photographies orchestrée par Hannah Darabi. Il y a par exemple un ouvrage culte de ces années-là à propos des jours de la Révolution : « Jours de sang, jours de feu », de Bahman Jalali et son épouse Rana Javadi. Publié en juin 1979, il est réédité en septembre de la même année, au total à trente-cinq mille exemplaires. Sa troisième réédition sera refusée par le ministère de la Culture. Un régime qui publie lui aussi des ouvrages reprenant parfois les photographies d’un homme libre pour les transformer en propagande. Dans ce méli-mélo d’images et de mots, il faut lire attentivement les légendes conçues par l’artiste. Elles disent bien l’incroyable effervescence que le pays a connu à cette époque et combien la liberté est peu à peu devenue de plus en plus fragile.

Pan de l’histoire

« Je suis née au moment de la guerre Iran/Irak, en 1981 », explique l’artiste et d’ajouter : « je me suis peu à peu rendue compte que je ne savais rien de ces années-là, qu’il y avait des événements historiques qui ne nous étaient pas enseignés ». De fait, l’artiste a redécouvert tout un pan de l’histoire du pays en achetant ici ou là les livres qui la retranscrivent. « C’est une brèche ouverte dans le passé de l’Iran » affirme Diane Dufour, la directrice du BAL saluant le courage de l’artiste iranienne qui s’expose à la potentielle colère du régime. Mais cet acte est salutaire : il redonne des couleurs à l’histoire, expose des nuances, participe à la transformation de la pensée collective et ébauche la constitution d’une identité libre et assumée.

Matière traumatique

Aux quatre coins de l’espace d’exposition l’artiste a fabriqué des murs d’images et de mots pour livrer sa vision d’être iranienne aujourd’hui. Ces murs portent le regard d’une femme qui cherche à redonner vie à la mémoire collective qui est intimement liée à son histoire personnelle. Ses installations qui s’appellent justement des « reconstructions » forment comme une espèce de matière traumatique où les photographies et les textes sautent aux yeux tandis que l’esprit tente d’offrir une vue d’ensemble. Cette matière est traumatique car elle éclate par fragments, mais elle est d’autant plus honnête, authentique. Hannah Darabi va même jusqu’à écrire un morceau de sa propre mémoire d’écolière en Iran pendant la guerre : « Notre école primaire était équipée d’abris souterrains. Lorsque la « sirène rouge » était diffusée par le haut-parleur, nous étions conduits dans ces abris. J’essayais de retarder le moment d’y entrer le plus longtemps possible, et je levais toujours les yeux au ciel avant de descendre les escaliers, espérant apercevoir des avions militaires. (…) Je n’allais pas pleurer, je n’étais plus un bébé ». Le jour anniversaire de la révolution, le 11 février, le BAL organise une journée spéciale de débats, conférences et projections autour de l’Iran d’aujourd’hui et d’hier. Une formidable façon de prolonger le passionnant morceau de mémoire que constitue cette exposition.

 Jean-Baptiste Gauvin

 

Hannah Darabi

Rue Enghelab, la Révolution par les livres

Iran 1979-1983

Exposition du 10 janvier au 11 février 2019

Le BAL 

6 Impasse de la Défense

75018 Paris

www.le-bal.fr

 

 

 

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