Avec sa série « Museum of the revolution », le photographe attrape la rumeur des rues des grandes cités africaines et en fait d’étonnants spectacles. Un travail couronné par le prix HCB en 2017 et à voir dans le nouvel espace de la fondation Henri Cartier-Bresson à Paris.
Toujours en marcheurs invétérés, les passants ne cessent de se déplacer sur les images de Guy Tililm comme s’ils étaient à l’affût de quelque chose, en pleine quête. Ainsi semblent vivre les rues des grandes villes africaines où le photographe a installé son matériel. Abidjan, Harare, Dar es Salaam, Accra, Johannesburg, Maputo… C’est un véritable panorama que nous offre Guy Tillim qui s’est rendu dans chaque ville plusieurs jours pour saisir ces scènes de la vie ordinaire des rues de ces cités d’Afrique. Surtout, ce qui est frappant, c’est la ressemblance entre les villes. Partout, on retrouve des passants arrimés à leur téléphone portable, qui paraissent pressés, en plein dans une activité journalière. Partout, on retrouve des vendeurs à la sauvette qui tentent par tous les moyens d’agripper un marcheur et de leur refourguer une babiole. Partout, des publicités criardes sur de grands panneaux font briller leur slogan. Partout, c’est la scène d’un chaos plus ou moins contrôlé où règne un désordre confus et une certaine dignité, le tout dans une atmosphère chaude et débordante de vie.
Architecture
« J’ai voulu laisser parler le paysage, ces lieux où s’est passée la décolonisation il n’y a pas si longtemps et dont on ne sait pas très bien ce qu’il va en advenir », explique Guy Tillim qui affirme avoir été beaucoup influencé par Henri Cartier-Bresson et d’avoir forcément aussi beaucoup regardé le travail de son homologue sud-africain David Goldblatt. « En dépit de ma visibilité sur le terrain, je m’efforce de devenir invisible et ça marche, les gens finissent par m’oublier », dit-il encore. Certainement, cela lui permet de capter quelque chose de difficilement cernable par l’œil humain. D’autant que le photographe propose parfois des diptyques, triptyques, polyptyques ; successions de photographies prises grosso modo au même endroit, mais à plusieurs minutes d’intervalles et qui font un récit visuel intriguant où déambulent diverses personnes dans un même décor comme des acteurs sur les planches d’un théâtre. Là est aussi le génie des photographies de Guy Tillim. Elles révèlent à merveille l’espace dans lesquels se meuvent les passants. Ainsi, il documente l’architecture de ces villes africaines où trônent d’immenses immeubles dans un bric-à-brac déconcertant. À Abidjan, un bâtiment en forme de pyramide, par exemple, qui écrase littéralement le marcheur ou à Maputo, de drôle de maisons en bétons qui tombent en ruine… Un paysage fait de bric et de broc, composé au fil des ans, et qui dit bien le palimpseste passionnant que constituent ces grandes villes africaines.
Jean-Baptiste Gauvin
Guy Tillim
« Museum of the revolution »
Du 26 février au 2 juin 2019
Fondation Henri Cartier-Bresson
79 Rue des Archives
75003 Paris