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Gina Levay –Bullfight

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Comme Hemingway, Picasso et tant d’autres artistes, Gina Levay est fascinée par la corrida. Cet art de tuer avec noblesse, son conflit symbolique entre l’homme et la bête. Il y a cinq ans, la photographe part pour Madrid afin d’y documenter la tauromachie au féminin. Elle y découvre un univers empreint de traditions, de violence et de sensualité.

En humaniste, la photographe s’intéresse d’abord à ses acteurs dans leur quotidien, à leur intimité. Ce ne sont pas, dans l’ensemble, des photos de combat qu’elle expose. Gina Levay s’intéresse plutôt aux coulisses de la corrida. Elle photographie les préparatifs, s’attarde sur les broderies des habits, traîne le long du couloir qui mène au sable chaud de l’enceinte. Sa série est un poème sur la passion pour cet art brut pratiqué tout en finesse.

Il faut avoir du caractère pour oser braver 500 kilos de muscles. Les hommes en ont le courage depuis le début du XVIIIe siècle. Les femmes, longtemps écartées par les codes et la tradition, s’y essayent seulement depuis une cinquantaine d’années. Avec Bullfight, Gina Levay, porté par la solidarité féminine, soutient aussi ces toreras qui bouleversent les préjugés et « combattent le machisme. »

A Saragosse, Gina Levay accompagne tout d’abord Mari Paz Vega. Cette fille d’un modeste novillero et sœur de banderilleros est aussi la première à avoir accompli en Espagne le protocole complet des matadors : alternative en 1997 et confirmation, comme il se doit, à Madrid. Ou encore Marie Sara, l’une des figures montantes de la tauromachie féminine en France ; avant de s’envoler pour le Mexique pour poster son objectif derrière Lupita Lopez. Elle fait de cette grande performeuse un personnage central de sa série.

De toutes ses femmes qu’elle décrit comme « tenaces et à la forte personnalité, jamais totalement respectées dans ce milieu ou le masculin prédomine », elle capte la grâce et la féminité. Au milieu de la rudesse du combat, de la théâtralité de la scène, des costumes et des couleurs, ces combattantes modernes apportent une douceur à l’antipode de l’image souvent décriée de la corrida en bain de sang. Le sport se transforme en une danse délicate et séduisante que Gina Levay immortalise avec sensibilité.

La présence féminine, douce et apaisante, est de l’ordre de la symbolique dans un univers où la religion est omniprésente. Il y a quelque chose de la madone chez la torera. Dans les moments de solitude, les regards, clairs et purs, se figent parfois. L’espace d’un instant, la fragilité reprend le dessus. Mais lorsqu’il s’agit de remonter sur le ring, « les yeux redeviennent ceux, précis, du tueur. »

Jonas Cuénin

Gina Levay, 32 ans, a suivi ses études de photographie à la School of Visual Arts de New York, où elle vit et élabore ses projets, indépendants ou commissionnés. Bullfight est sa quatrième exposition personnelle et intervient cinq ans après son très remarqué Sandhog Project qui l’avait amené à suivre des mineurs du souterrain newyorkais.

Bullfight
Jusqu’au 25 juin 2011
Hous Projects Gallery
31 Howard Street, 2nd floor
New York, NY 10013

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