Mon passé de dessinateur-peintre me rattrape depuis une vingtaine d’années.
Je vois ma photographie glisser régulièrement, comme inexorablement vers la peinture.
D’abord en Polaroid noir et blanc, en 2000, avec une série réalisée dans le quotidien d’un appartement et publiée par les éditions The (M) sous le titre de « Mes jours ».
Puis en 2014 dans des « Paysages intérieurs », ensemble conçu au fil de sept années sur la côte du Cotentin.
L’eau est elle aussi apparue dans cette perspective : elle représente un élément puissant de réinterprétation du corps, dans un contexte choisi. La série “Water Dance” s’en est fait l’écho la première en 2015-16.
Plus récemment, en 2020-21, ce retour sur Polaroid. La main intervient pour la première fois après coup, détériore et transcende les images. Au sein des “Synesthetic Pola”, une épitaphe picturale que j’adresse à la figure de Toxic Princess.
Gil Rigoulet
Toxic Princess
Apparition, aussi fragile que peut être ravageur l’orage qui arrive.
Les ondes sont complexes, troublantes.
De la plaie suinte un abîme que je reconnais.
Une jeune femme meurtrie, se pose face à moi.
S’impose.
La blessure est vive,
la vulnérabilité irradie.
l’allure est déconstruite,
une invitation à reconstruire ?
Peau blême, translucide comme un jade blanc.
Les os font saillie – esquissent une frêle beauté morbide.
Je la sais telle.
Et acquiesce.
Ces mots éclairés sont un jeu de conversation illusoire.
Paravents d’une mer d’absence.
Un être en quête de sa présence,
d’une reconnaissance de son image au trouble de sa maigreur,
être vue par qui veut bien la photographier.
Images qu’elle accumule pour peser sa consistance,
son existence dans le regard des autres.
Elle s’habille d’une parure de noirceur
telle la naïveté d’une adolescente perdue
en quête d’un rôle.
Ses mots: nocive, toxique, sans empathie, sans amour,
ne sont que la triste posture des errances d’une vie en lambeaux.
Ses nuits sont des champs ouverts
aux plaies béantes de ses jours.
Dans ses paroles venues du néant,
elle se déclare Princesse
et s’arroge les énergies qui l’approchent.
Ses mots ne sont qu’un déni du pillage en cours.
Vampire sorti de son antre de vacuité.
La duplicité est son royaume.
Sa vie, le mensonge qu’elle se raconte pour tenter d’exister.
La fourberie, ses mots.
Mes Synesthetic-Polaroid disent la rencontre avec Toxic Princess.
Images détériorées, dénaturées, transcendées dans une confusion des sens et des genres.
On ne l’y verra pas,
puisqu’elle n’existait pas.
La dévastation comme seul recours face à la violence consentie, puis subie.
Cutter, sang, paillettes, rouge à ongles, feutres fluo,
tels ont été les instruments de révolte.
Ma palette d’exorcisme de cette relation mortifère.
Gil Rigoulet
Ethnic Pola
Débuté en 2021, la série Ethnic Pola est un homage au corps, qui ici ne se resume pas seulement en un dialogue esthètique. Il s’agit également d’une expression, d’une transgression de celui-ci qui devient un symbole de fierté et de puissance.
Ces corps sont à lire, à admirer, à déchiffrer.
Pour transfigurer ces corps, j’ai étudié les dessins utilisés dans certaines tribues aujourd’hui disparues. Des ethnies qui ont subis parfois des génocides.
Leurs corps nus sont puissants et les traces apparentes qu’ils arborent s’apparentent à des rituels et à des coutumes.
Je reprends cette idée et je peints sur les corps en m’inspirant de ces tribues oubliées.
Au feutre, au khol ou avec des paillettes, le but de retranscrire la force, l’independence de ces femmes et de leurs corps marqués.
Gil Rigoulet
Gil Rigoulet : Synesthetic Pola – Toxic Princess 2020-2021
Du 1 au 22 Août 2021
Galerie Ephémère à Arles
11 Rue Jouvène
13200 Arles, France