Un Métier, une passion, une époque…
Le 13 octobre 2011, au Théâtre de l’Odéon, dans une belle unanimité, le photojournalisme rassemblé a rendu un ultime hommage a Goksin Sipahioglu.
Presque tous ceux auxquels il a donné leur chance étaient là, un peu étonnés d’avoir vu le temps passer si vite. Car Göksin Sipahioglu est un symbole, l’incarnation même d’un métier, celui de photojournaliste, et sa disparition marque la fin d’une époque. Göksin nous a réunis une dernière fois en si grand nombre parce que nous savons tous ce que nous lui devons. C’était un passeur, un de ces hommes rares qui aident les autres à réaliser leur rêve. Des milliers de photographes ont contribué à l’épopée de Sipa. Ce n’est pas une tribu, mais bien une génération.
Il m’a paru tout à coup urgent de raconter l’histoire de cette passion partagée.
J’ai tout de suite pensé à un livre. un coup de tête. je pensais régler ça en quelques semaines
Je ne me rendais pas bien compte des difficultés à venir et de l’ampleur du travail.
Dans les mois qui ont suivi je me suis souvent demandé pourquoi je m’étais embarqué dans une telle galère.
Une histoire à la Sipa. Sans moyen, mais avec beaucoup de volonté.
Le livre est disponible a la date prévue et c’est un peu un miracle.
Un miracle qui n’aurait pu avoir lieu sans l’aide, de Sylvie Dauvillier, pour les textes, de Beatrice Meralikan pour les révisions et de l’équipe de Sipa Presse et des éditions de la Martinière et bien sur d’Hervé de la Martinière.
L’ouvrage a pour ambition de faire revivre cet âge d’or aujourd’hui révolu, d’expliquer comment une bande d’amateurs venus de tous horizons a fait de Paris, pour un temps, la capitale du photojournalisme.
Quand ils sont arrivés à l’agence, ils étaient plombiers, médecins, ouvriers, coursiers, architectes, professeurs, étudiants. Puis une grande partie a quitté Sipa, essaimant un peu partout dans le monde. Ils ont rejoint d’autres agences plus prestigieuses, des magazines ; ils sont devenus rédacteurs en chef, directeurs d’agence, diplomates ou sont restés photographes. Mais tous se reconnaissent encore aujourd’hui dans cet héritage, mélange de débrouillardise, d’intelligence et surtout de passion pour le photojournalisme, qui n’est pas seulement un métier, mais bien un mode de vie.
Sur les 12 000 photographes qui ont contribué à l’histoire de Sipa, j’en ai retenu 80, aux trajectoires différentes ou surprenantes, qui ont d’une manière ou d’une autre écrit quelques pages de l’agence. Je leur ai demandé de raconter à la première personne une image qui a marqué leur carrière, des petites histoires qui ont fait la grande histoire. Je n’ai pas choisi nécessairement les photos les plus marquantes ou les plus primées – avec le recul, les images phares d’une époque perdent parfois de leur acuité –, mais plutôt des documents à même de restituer l’émotion et l’ambiance du moment. Autant de prétextes pour parler d’un métier. J’ai aussi voulu que d’autres acteurs majeurs du métier, éditeurs photo, rédacteur en chef de magazines, directeurs d’agence, témoignent de cette aventure.
La tâche n’était pas facile. Il y a sûrement des oublis, des injustices. Certains photographes sont morts et je n’ai pas toujours pu contourner les problèmes de succession. Ce livre ne peut résumer 40 ans de photojournalisme. Certains auteurs présents ont réalisé leurs images les plus spectaculaires plus tard, ailleurs. D’autres talentueux photographes étaient à Gamma ou Sygma. Mais seule Sipa gardait ce côté libertaire et flibustier qui lui donnait des airs d’auberge espagnole.
Ce livre est destiné aux jeunes photographes qui n’ont pas eu la chance de connaître cette époque où tout était possible, car tout nous semblait possible. Ce livre est destiné à ces jeunes qui pénètrent le monde de la photo, bardés de diplômes après des années d’école et qui ne trouvent pas d’espace où exercer leur talent.
Michel Setboun
40 ans de Photojournalisme, Génération Sipa
Livre publié aux editions de la Martinière.
Présentation à Visa pour l’image le 8 Septembre 2012
