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Galerie Noack : Joël Meyerowitz : Une Retrospective

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La galerie berlinoise du quartier de Charlottenburg célèbre les 85 ans du photographe américain avec une exposition parcourant six décennies d’un regard des plus influents de la rue.

C’est glissé dans un coin, fondu dans le réel, que Joël Meyerowitz s’adonne à la photographie. Lui-même le dit, c’est cette capacité à se rendre invisible qui fait de lui un puissant observateur de premier plan. Depuis plus de soixante ans, Meyerowitz s’imprègne du monde qui défile devant ses yeux pour interroger l’inextricable mystère du temps face auquel ses images forment de réconfortants remparts.

L’Art du moment

Un regard suggestif, une expression furtive, une scène perspicace…Dès ses premiers clichés new-yorkais en noir et blanc, Meyerowitz capture le moment, celui de l’instant t, qui n’aurait été le même à une seconde près. Peut-être est-ce sa connaissance de la peinture qui lui permet naturellement des compositions maîtrisées parmi le brouhaha urbain. De ces photographies de rue, une certaine patience émerge, la patience de ceux qui se nourrissent de ce qu’ils parviennent à percevoir, comme une ultime récompense.

Joël Meyerowitz semble être assis sur un banc lorsqu’un homme marche dans la rue à New-York portant à bras le corps son caniche royal; ou encore se promener parmi les passants au Jardin du Luxembourg lorsqu’une femme joue avec son chien et que ce dernier saute à sa hauteur de tête. Il semble assis au comptoir du bar lorsqu’une femme fumant lui échange un regard malicieux; ou faire la queue pour la prochaine séance lorsqu’un couple s’embrasse, juste en dessous de l’affiche de “Kiss me, stupid”. Partout, Meyerowitz embrasse le quotidien des gens en se faisant lui-même un protagoniste de la rue.

La Question de la couleur

Si les premiers travaux de Meyerowitz sont monochrome, notamment inspiré par Robert Frank rencontré à New-York lors d’un tournage, le jeune diplômé en histoire de l’art s’essaie dès ses débuts à la couleur. Avec d’autres – Stephen Shore et William Eggleston pour ne citer qu’eux -, il participe au cours des années soixante à dévulgariser la photographie couleur jusqu’à son acceptation au rang des Arts une décennie plus tard.

À travers son objectif, Joël Meyerowitz laisse transparaître son goût des détails sagaces que la couleur accentue irrémédiablement : cette femme prise en contre-plongée dans les rues de New-York en 1963, lunettes de soleil et visage fermé, et sous son bras auquel pend son sac croco, un livre au titre évocateur “The American Character” – qu’elle incarne définitivement.

Ces pratiques parallèles du noir et blanc et de la couleur, et les questionnements que chacune impose, trouvent leur écho dans une série de la fin des années soixante où Meyerowitz réalise, à quelques secondes d’intervalle, la même prise avec deux pellicules différentes. A posteriori, les deux clichés sont analysés de manière chirurgicale et délivrent la puissance nichée dans la pluralité des manières de voir.

Témoin des mutations sociétales

Les espaces publics portant les stigmates des petits et des grands changements, les images de Joël Meyerowitz regorgent de signes sociaux, de l’avènement du capitalisme à l’acquisition de droits par les femmes. Quelques portraits féminins iconiques des années 80 dans le Massachusetts et desquels une liberté salvatrice émane sont présentés, comme celui de Sarah issu de Redheads (1990) : peau rousse, crinière fauve et regard magnétique.

Si Meyerowitz a une attirance inéluctable pour le Beau, ses photographies témoignent également des drames. L’exposition consacre un espace pour les images tirées de sa série réalisée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Il se rendra régulièrement au nouvellement baptisé “Ground Zero”, sans autorisation, pour immortaliser le lourd chantier de réparation et dressera le portrait des ouvriers apparaissant alors comme des minuscules fourmis parmi l’immensité des ruines.

Noémie de Bellaigue

 

M E Y E R O W I T Z : A Retrospective jusqu’au 16 décembre 2023 à la Galerie Noack.

Galerie Hermann Noack
Am Spreebord 9a,
10589 Berlin

https://noack.berlin/galerie/
https://www.joelmeyerowitz.com/

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