La Galerie La Forest Divonne présente Ivresse, une exposition de photographies de Jean-Bernard Métais. Ces photos ont toutes le même cadrage, toutes le même sujet : des cuves de vin… Toujours un même cercle inscrit dans les rebords carrés de l’image. Dans cet espace restreint, pourtant, c’est toute la diversité de la biologie, de la matière, des formes et des couleurs qui se décline sous nos yeux ébahis. En voyageant d’une image à l’autre on ne sait plus si on est collé à la lentille d’un microscope ou à celle d’un télescope. La frontière entre l’infiniment petit et l’infiniment grand est abolie. Métais nous entraine dans sa vision poétique du monde, et le jus de raisin devient voie lactée, le dépôt qu’il laisse derrière lui, delta d’un fleuve, le sable, rétine…. L’alchimie du vigneron qui transforme le fruit en nectar rejoint celle de l’artiste qui transforme le réel en un chant poétique.
On connait Jean-Bernard Métais sculpteur, souvent monumental, avec ses grandes œuvres visibles dans l’espace public un peu partout dans le Monde, à Tianjin, à Shenzen, à Cardiff, Luxembourg, Bruxelles, Valencienne, Paris… Les collectionneurs de vin le connaissent aussi grand viticulteur, dépositaire d’une tradition familiale pluriséculaire, dans une appellation française de niche : le Jasnières, un petit trèsor viticole niché au creux de la Touraine, où la famille Métais produit de père en fils depuis le XVIe siècle un des vins au vieillissement le plus noble du monde. Les meilleurs millésimes se conservent facilement plus de cent ans… Alors que sa carrière de sculpteur lui fait faire le tour du monde, Métais revient toujours à ses quelques arpents de vignes sur lesquelles il veille amoureusement et dont il sculpte le vin avec l’inspiration de l’artiste.
Depuis 1976, date à laquelle il reprend le flambeau familial, Métais développe une œuvre photographique singulière : il photographiera inlassablement, chaque année, le fond de ses cuves de vin, à l’exclusion de tout autre sujet. Suivant toujours le même protocole. Capturant l’évolution du vin à toutes les étapes de sa transmutation. En 1989, il commence à les archiver sous le titre « Les Accouchements de l’être vin ». Nous avons choisi parmi toutes ces images, les plus emblématiques, les plus fortes, pour rassembler la première rétrospective de l’œuvre photographique de Jean-Bernard Métais en Belgique.
Un sablier et quelques ampoules de verre remplies de vins centenaires, complèteront le dispositif, en ouvrant sur les sculptures de Jean-Bernard Métais, avec lesquelles les photographies partagent la passion du temps et de la lumière : le sable, emblématique du travail de Métais, il l’a d’abord rencontré dans la cave familiale, ou s’écoulaient parfois des poches de sédiments enfermées dans la roche depuis des milliers d’année : et le monde solide de devenir liquide, et le lointain passé de se révéler dans le présent… Les sabliers de Métais, attrape-temps, rejoignent son vin : « Lorsqu’on déguste de très vieux millésimes, on expérimente physiquement une remontée dans le temps, on devient le temps de ce vin, qui devient une partie de nous-même », explique-t-il. Enfermée dans des ampoules baroques, en verre, inédites, que Métais présentera au milieu de ses photographies, on apercevra la couleur du temps, du jaune tendre des vins récents, à la robe orangée des vieux millésimes.
Photographies et sculptures semblent tout juste sorties de l’atelier d’un alchimiste. Comme le vin dans lesquelles elles prennent leur source, elles donnent un léger vertige, devant les couloirs de temps qu’elles ouvrent, devant les distances qu’elles traversent, de la cellule aux comètes et planètes. Métais, alchimiste, déploie son Ivresse poétique du monde.
Jean-Bernard Métais : Ivresse
10 février – 19 mars 2022
Galerie La Forest Divonne
Rue de l’Hôtel des Monnaies 66
1060, Bruxelles, Belgique
www.galerielaforestdivonne.com