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Galerie Françoise Paviot : Lydia Flem : Féminicides

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En guise d’introduction

Si la technique ne fait pas l’art, l’antériorité ne fait pas forcément l’artiste. Pourtant quand une vision nouvelle se fait jour dans une œuvre bien avant que la société ne se la soit appropriée, il est parfois utile de repenser son antériorité. C’est le cas pour certains artistes qui font ou qui ont fait partie de la Galerie : Anna Blume mais aussi Dany Leriche, Nancy Wilson Pajic et plus précisément pour cette exposition : Lydia Flem. «  Les artistes sont comme des tambours », dit-elle, « et on ne les entend pas toujours ».

L’ordre asymétrique du monde

« Une après-midi d’automne, je jouais avec un masque à plumes noires, un vieux dé en ivoire et, munie de ciseaux, je découpais le contour de mes mains sur des photocopies de deux lettres d’amour échangées par mes parents, cherchant à composer une sorte de rébus autour des mystères de l’amour et de l’écriture. Puis, par quelque association d’idées, comme en rêve, ou sur le divan de l’analyste, je cherchai soudain dans mes archives mes premiers cahiers d’écriture, que j’avais conservés depuis les années 60. J’y découvris, consternée, les premières phrases, que l’école imposait aux fillettes de l’époque pour apprendre à lire et à écrire, blessures d’un accès à la langue française et à la culture qui s’inscrivaient d’emblée, comme une évidence, avec la couleur de la discrimination :

Papa se rase le matin, travaille dans son bureau, conduit sa voiture,fume en lisant son journal,écoute la radio.

Maman prépare le dîner, lave la vaisselle, repasse le linge, nettoie la maison coud et tricote.

Le plus blessant, peut-être, était, dans la marge, en majuscule et en rouge, soulignée, la mention TB, très bien. Glaçant. J’ai du me promettre dès cet âge, que je m’opposerais à cet ordre asymétrique du monde ». (1)

Etre peintre et renverser son destin

« La figure d’Artemisia Gentileschi est devenue un symbole du combat que mènent les femmes pour conquérir leurs droits à partager la même humanité que celles des hommes. Car la jeune fille abusée, humiliée, et même torturée lors du procès pour viol, qui dura neuf mois, de mars à novembre 1612, s’est métamorphosée en l’une des rares femmes peintres du XVIIe siècle, admise, en 1616, à la prestigieuse Accademia delle Arti del Disegno à Florence. Artemisia renverse son destin, elle invente sa propre vie. Ce qu’elle a toujours souhaité, elle le devient : une artiste, libre, maîtresse d’elle-même, bientôt célèbre dans toutes les cours d’Europe, qui par son œuvre exprime la valeur et la puissance créatrice des femmes. »

Les Féminicide, une série photographique

«  En 2016, la paire de vieux ciseaux à la main, me vint à l’idée de découper en zig zag quelques publicités de femmes vantant des parfums de luxe, puis j’ai posé les ciseaux, un peu rouillés, sur de banales reproductions de chefs d’œuvre de l’histoire de l’art occidental. Je revendique cette banalité de la forme parce qu’elle résonne avec la banalité du fond : ce mélange millénaire de l’exaltation de la beauté féminine et de la violence qui ne cesse d’être faite aux femmes parce qu’elles sont des êtres féminins. Cette série, je l’ai appelée « Féminicide », concept juridique né en Amérique latine, devenu ici outil et dispositif esthétiques. » (2)

« Parmi les livres de ma bibliothèque, je cherchais les visages iconiques qui célèbrent la beauté idéalisée des femmes depuis des siècles. Je retrouvai alors un modeste livre de poche acheté lors de l’exposition parisienne d’Artemisia Gentileschi. J’y reconnus un de ses tableaux les plus célèbres, Suzanne et les vieillards, peint autour de 1610. Poussée par la curiosité, je relus quelques pages de ce petit catalogue. La figure biblique de Suzanne, Artemisia Gentileschi, avait choisi de la représenter sous ses propres traits. Ce corps tourmenté, agressé par deux figures lubriques n’était autre que son autoportrait. Cette très jeune pitturessa, élève de son propre père, Orazio Gentileschi, qui lui enseignait l’art de peindre à la manière de Caravage, venait de subir un viol dans l’atelier de ce même père, par un ami de celui-ci, peintre également, sensé lui enseigner l’art de la perspective. Agostino Tassi, réputé dans tout Rome pour ses fresques en trompe-l’œil lui promettait le mariage, la trompa, et la viola. Mais Artemisia ne manquait ni d’audace, ni de talent pour oser s’affirmer face à la domination masculine. Au-dessus du corps de la femme trahie, elle ne représenta pas, comme il est de tradition de le faire, deux vieillards, mais un seul, l’autre personnage masculin avait les boucles sombres d’un jeune homme, celles d’Agostino Tassi, son violeur. (1) »

Un peu de terminologie

Dans le texte d’une comédie théâtrale de Paul Scarron, écrite en 1652, le mot femmicide apparaît pour la première fois. Employé dans l’expression « faire femmicide », il traduit le désir exprimé par un homme de brutaliser une femme.En France, la Commission générale de terminologie et de néologie, qui travaille en lien avec l’Académie française, en a préconisé l’usage dans le domaine du droit en 2014, avec le sens d’« homicide d’une femme, d’une jeune fille ou d’une enfant en raison de son sexe ». Il fait son entrée au dictionnaire Le Robert en 2015 : « meurtre d’une femme, d’une fille, en raison de son sexe ». Il est demeuré cependant absent en 2019 de la plupart des dictionnaires et notamment du Trésor de la langue française et n’a pas été reconnu cette même année par l’Académie française.

Francoise Paviot

 

(1)Les citations sont extraites de deux conférencesde Lydia Flem à la Maison de l’Amérique latine, les 28 février 2017 et 2 mai 2018, et du catalogue, Lydia Flem, Féminicide éd. Galerie Françoise Paviot, 2021, (hors commerce). https://lydia-flem.com/

(2) Lydia Flem « expose » pour la première fois les 70 photographies inédites de sa vidéo « Féminicide » (1’43), à la Maison de l’Amérique latine, le 28 février 2017,lors d’une soirée consacrée au livre de Ivan Jablonka, Laetitia ou la fin des hommes (2016), avec des interventions de Annie Ernaux, Luc Dardenne, Ivan Jablonka, Maurice Olender, Edwy Plenel et François Vitrani.

 

Les artistes hors les murs

-Jürgen Nefzger : accrochage de la série « Bure ou la vie dans les bois » dans l’exposition «  Cellule de performance » à la MABA / Nogent-sur-Marne. 7 avril- 17 juillet 2022
« L’exposition Cellule de performance met en évidence des groupes qui co-existent ensemble et sont réunis par un objectif commun, celui d’une attention à l’autre, au monde et à ses différents écosystèmes humains et non-humains. »
Plus d’info https://www.fondationdesartistes.fr/lieu/maba/

-Juliette Agnel : présence de la série photographique « Taharqua » dans l’exposition « Pharaon des deux terres, l’épopée africaine des rois de Napata ». 28 avril-25 juillet 2022
Plus d’info https://www.louvre.fr/en-ce-moment/expositions/pharaon-des-deux-terres

 

Lydia Flem : Féminicides
du 9 avril au 28 mai 2022
Galerie Françoise Paviot
57 Rue Sainte-Anne
75002 Paris, France
www.paviotfoto.com

 

 

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