Il y a des photographes qui chérissent l’instant, décisif ou non. Selon eux, le créateur doit toujours être à l’affût de ce qui vaut la peine d’être capturé. À l’autre extrémité du spectre, vous avez l’autre faiseur d’images, celui ou celle qui ne jure que par le contrôle. Gregory Crewdson par.ex. mobilise une petite armée de collaborateurs et compose ses scènes à la manière d’un réalisateur de cinéma.
Jan Pypers (Belgique 1982) appartient lui aussi à cette catégorie de photographes qui veut contrôler. Un contrôle qu’il atteint d’une manière très particulière, mais nous y reviendrons plus tard.
Aujourd’hui, il présente la série Diorama à la galerie Contour de Rotterdam. Il s’agit d’images imposantes, avec de grands visuels. Dans chacune des images, les gens sont confrontés à la nature, à des animaux puissants et impressionnantes, à une faune que nous n’avons pas l’habitude de voir. L’image Diorama-Ursus 2024 est exemplaire : à gauche, un grand ours brun, à droite, un groupe d’adolescents en tenue de sport. À l’arrière-plan, un terrain de football et une tribune marquée du mot « Visiteurs ». Le message est clair : nous nous trouvons dans un espace cultivé, MAIS nous sommes aussi des visiteurs. Cela rappelle également un souvenir que Jan Pypers a cité : enfant, il s’est soudainement retrouvé dans une forêt face à un cerf avec de grands bois, ce qui l’a effrayé, mais lui a aussi donné l’impression d’être connecté. Le thème est récurrent dans son œuvre : dans Diorama, il s’agit du choc entre l’espace cultivé et la nature ; dans Nightgardeners (‘Jardiniers de nuit’ la série précédente), l’accent était mis sur la perte de lien entre l’action, les humains et la nature.
Pypers est inspiré par le cinéma et par les réalisateurs qui savent évoquer une atmosphère. C’est aussi sa formation il a étudié la production cinématographique. Ses images ressemblent presque à des photos de plateau et baignent dans une atmosphère étrange et onirique, ce qui met le spectateur au défi d’imaginer la suite : comment arrivent-ils là, que se passe-t-il et… comment cela se termine-t-il ?
La série s’appelle « Diorama », boîte de visualisation, et cela en dit long sur la philosophie de Jan Pypers ainsi que sur sa méthode de travail. Il crée une illusion en créant ses Dioramas, des boîtes d’observation. Le principe est vieux de plusieurs siècles : la lamentation du Christ par Niccolò dell’Arca (vers 1435-1440) à Bologne est de facto un diorama, et par extension on pourrait même qualifier la crèche comme un diorama. Mais c’est à partir de la fin du XIXe siècle que sont réalisés de nombreux dioramas à sujets zoologiques, ethnologiques, histoire naturelle ou historiques pour les musées à des fins pédagogiques. Qu’ils soient miniatures ou grandeur nature, ils ont une caractéristique commune : ils rendent visible ce qui est éloigné dans le temps ou dans l’espace, et s’inscrivent parfaitement dans le besoin de culture visuelle de l’homme du 19e ou du 20e siècle. Et c’est précisément ce que fait Pypers’, rendre visible l’invisible.
Voyons maintenant comment il y parvient. J’ai mentionné brièvement le besoin de contrôle, qu’il atteint en créant des modèles. Très méticuleusement, il conçoit un monde à l’échelle, avec un incroyable souci du détail. Il façonne des paysages, des bâtiments avec toutes sortes de matériaux. Et comme dans les dioramas, il travaille une fausse perspective, donnant une impression de profondeur. C’est un travail de moine dans lequel il met beaucoup d’énergie. Puis vient une démarche incroyable : une fois l’image terminée, il détruit le modèle.
Jan Pypers crée les paysages panoramiques les plus vastes à l’échelle, et pose des questions d’actualité pressantes sur la relation de l’homme avec son environnement – jusqu’au 12 mai à la Contour Gallery Rotterdam.
John Devos
johndevos.photo (ad) gmail.com
Galerie Contour
Josephstraat 164
3014 TX Rotterdam
Les Pays-Bas
www.contour.gallery
Jeu-Ven 11h00 – 17h00.
Samedi de 13h à 17h
Mercredi et dimanche sur rendez-vous
