L’artiste déploie pour la première fois la matière première de son travail photographique à la galerie Ceysson & Bénétière à Paris. Ce qu’elle appelle ses « images latentes » et qui constitue un ensemble de plus de dix ans de prises de vue.
L’objet est posé au milieu de l’espace, ressemblant à une sorte de totem et qui dit combien le dévoilement opéré en ce moment par Aurélie Pétrel est précieux. Ce qu’elle surnomme son « meuble jachère » constitue la pièce maîtresse autour de laquelle tourne toute son œuvre depuis le milieu des années 2000. Ce caisson de rangement permet en effet à l’artiste de mettre à l’abri ses tirages une fois réalisés et de les laisser reposer jusqu’à ce qu’elle s’en serve dans un projet d’exposition. Ces dernières années, elle piochait dedans ici ou là et mettait ensuite souvent les images choisies à l’épreuve d’un travail plastique, parfois sculptural, où lui importait aussi la dimension corporelle. Cette fois, elle expose la matière même qui lui a servi à ces œuvres passées, les 1.200 photographies réunies dans ce meuble et dont une partie est exposée sur les murs de la galerie. Ce sont des instants de voyages principalement (Japon, Chine, Liban…) d’une artiste qui se définit comme « nomade » avec des « points d’attache ». S’y mêlent rencontres humaines et paysages singuliers.
Découverte
La formule « images latentes » développée par Aurélie Pétrel pour définir ces photographies trouve son origine dans ce temps incertain où un photographe ne voit pas encore le résultat de sa prise de vue et s’attend à découvrir, dans une sorte d’excitation ou d’inquiétude, une réalité quelque peu différente – une image « ni tout à fait la même ni tout à fait une autre » pour reprendre le célèbre vers de Paul Verlaine. L’artiste s’est très tôt intéressée à cette dimension de la photographie, tenant à s’imposer toujours ce moment de pause entre la prise de vue et l’observation du résultat, et cela aussi bien avec un appareil argentique qu’avec un numérique, et même d’ailleurs quand il lui arrive d’utiliser un téléphone portable.
Pour elle, peu importe l’instrument de la capture photographique tant qu’est fait l’effort d’attendre et ainsi laisser agir la magie de la découverte postérieure, la seule capable de donner la possibilité de trancher dans la masse des photos faites et de savoir lesquelles des images peuvent être désignées « latentes », puis montrées au public.
Afin de faire sentir l’importance de ce protocole, l’artiste ainsi que le commissaire de l’exposition et critique d’art Étienne Hatt ont décidé d’exposer les photographies par petits groupes, sans cadres, comme si elles étaient des agrandissements de fragments de planches contacts, redonnant ainsi de la force à la préciosité de l’acte photographique et à sa révélation aux yeux de chacun.
Jean-Baptiste Gauvin
Exposition « PVL » d’Aurélie Pétrel
Du 5 juin au 24 juillet 2021
Galerie Ceysson & Bénétière
23 Rue du Renard
75004 Paris, France