Rechercher un article

Frédéric Brenner

Preview

Pendant 25 ans, le photographe Frederic Brenner, Prix Niépce en 1983 et lauréat de la Villa Médicis a Rome en1992, a exploré la diaspora juive pour tenter de répondre a la question : que signifie le fait de vivre avec une identité portable ? Il publie sept livres avec Denoel, Abrams, Harper Collins et, récemment, avec Mack, parcourant le monde dans une quête qui relève du constat ethnographique autant que du voyage initiatique. Frederic Brenner sort de ce périple « confus mais à un très haut niveau ». Il fait l’expérience de l’étrangeté par rapport à lui-même — celle que Kafka résume dans son Journal en une énigme personnelle : « Qu’ai-je en commun avec les Juifs ? J’ai si peu de chose en commun avec moi-même […] » — et établit une typologie des modes d’acculturations publiée par Harper Collins/La Martinière en 2003 sous le titre Diaspora : Terres natales de l’exil / Homelands in Exile. L’ouvrage se présente en deux volumes, l’un visuel, l’autre textuel — Brenner a invité une vingtaine d’artistes et penseurs comme Jacques Derrida, Stanley Cavell, Georges Steiner a réagir a ses photographies —, pensés comme une conversation croisée qui rompt avec l’image trop emblématique de ce que signifie le fait d’être juif.
 
C’est cette même idée de partage qui est au cœur du dernier méga-projet de Frédéric Brenner, This Place, inspiré par les travaux de la Datar. Le propos n’est pas un inventaire du territoire mais une tentative de recontextualisation d’Israël comme lieu et comme métaphore. Le choix de la forme est résolument poétique, et Brenner en appelle à la contribution d’artistes contemporains ayant inventé leur propre grammaire pour aborder Israël comme lieu de l’altérité radicale. « Nous sommes tous de lopins, et d’une contexture si informe et diverse, que chaque pièce, chaque moment, fait son jeu. Et se trouve autant de différence de nous à nous-mêmes, que de nous à autrui », écrivait Montaigne dans Les Essais.

Sur les conseils curatoriaux du galeriste new-yorkais Howard Greenberg, Frédéric Brenner invite en 2007 cinq photographes aux cultures et langages très différents à participer au projet. La problématique se cristallise, même si l’hypothèse de travail reste assez large pour permettre à chacun de se la ré-approprier. Le projet évolue de façon organique, avec des contributeurs comme Josef Koudelka et Thomas Struth, et un Frederic Brenner chef d’orchestre omnipotent à l’origine de tous les partenariats logistiques, intellectuels et artistiques. Il organise une  première mission exploratoire de deux semaines afin que les photographes qui, à une exception près, n’étaient jamais venus en Israël, puissent se familiariser avec le lieu. Il réunit un collège d’étude informel composé de différents acteurs de la scène intellectuelle locale — architectes, psychologues, archéologues, travailleurs sociaux, écrivains et activistes —, afin d’encourager chez les photographes une approche fragmentaire de ce lieu de la dissonance. « On répond à ce lieu avec ses tripes, et j’espérais que l’un des photographes sinon tous oseraient ne pas relier les points épars qui constituent son ADN », explique-t-il.

Cette première expédition collective est révélatrice. Jeff Rosenheim, du Metropolitan Museum of Art, devient l’année suivante commissaire consultant du projet et suggère d’inviter six nouveaux photographes, parmi lesquels Jung Jiing lee et Jeff Wall, qui décidera de ne faire qu’une photo. L’ambition de l’équipe est de solliciter une parole poétique pour regarder au-delà d’une perspective duelle et comprendre les enjeux archaïques avant qu’il ne deviennent des aspects politiques ou religieux — il est d’ailleurs à ce moment-là question d’intituler le projet Israel Theatrum Mundi. S’ensuit beaucoup de temps sur le terrain, facilité par un partenariat avec l’école photo de Betsalel a Jerusalem, dans le cadre duquel 7 étudiants de 3e et 4e année — la future génération de photographes israéliens — assistent les photographes du projet qui, en échange, se transforment en maîtres de conférence.

Quelques années, rencontres, commissaires et réinventions plus tard, le projet déploie sa forme finale. Il n’est plus question d’Israël mais de « ce lieu » (This Place). « Frédéric, tu as voulu créer un groupe, et tu as crée un groupe au futur », comme dirait la cinéaste Nurith Aviv. Le groupe, que Brenner ne rejoindra qu’en 2009 en tant que photographe, inclut douze des plus importantes signatures de la photographie contemporaine : Wendy Ewald, Martin Kollar, Josef Koudelka, Jung Jin Lee, Gilles Peress, Fazal Sheikh, Stephen Shore, Rosalind Solomon, Thomas Struth, Jeff Wall et Nick Waplington. Mack propose de publier l’ensemble en print et digital, et Charlotte Cotton reprend la direction artistique en 2012. Le résultat, encyclopédique, est un catalogue collectif et une série de monographies de chaque photographe publiées principalement par Mack (8 livres),ainsi que par Xavier Barral/Aperture, Steidl et Phaidon, tout au long de l’année — Field work de Martin Kollar et Wall, de Josef Koudelka, sont sortis fin 2103, An Archeology of Fear and Desire, de Frederic Brenner, au moment de Paris Photo Los Angeles en mai dernier, et From Galilee to the Negev, de Stephen Shore, vient de sortir. Au-delà de ces ouvrages, This Place est un catalogue évolutif qui ne manquera pas de s’enrichir au cours des prochains mois de la parole des citoyens du monde à travers une série d’événements publics, tables rondes et conférences universitaires ainsi qu’une exposition de 500 photographies révélant la singularité et la complémentarité des réponses. « Je suis le passeur d’un projet qui me dépasse infiniment », conclut-il. Ouverture a DOX, Centre for Contemporary Art, Prague, le 24 octobre 2014.

http://this-place.org
http://facebook.com/thisplacephoto
http://twitter.com/thisplacephoto
http://www.mackbooks.co.uk/books/1024-An-Archeology-of-Fear-and-Desire.html
http://www.phaidon.com/store/photography/stephen-shore-from-galilee-to-the-negev-9780714867069/
http://aperture.org/shop/books/wall-josef-koudelka-books

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android