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Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la culture de Landerneau : Henri Cartier-Bresson

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L’exposition d’Henri Cartier-Bresson au Fonds Hélène & Édouard Leclerc à Landerneau est sublime. Notre collaborateur Jean-Jacques Ader l’a vue et en a profité pour faire cet entretien avec Michel-Édouard Leclerc.

Evénement inédit dans cette Bretagne où finit la terre, et la première exposition de photographies du Fonds Hélène et Édouard Leclerc de Landerneau, associée à la Fondation Cartier-Bresson dirigée par Clément Chéroux.

Fondation dédiée à l’art moderne et contemporain, ce domaine de plus de 1200m2 est installé en plein « Far-Ouest » breton dixit Michel-Édouard Leclerc (dit MEL) C’est ici que la première épicerie Leclerc a ouvert en 1949. Celui qui porte la voix de la célèbre enseigne nous dit que si le photographe globe-trotteur ne s’est jamais aventuré dans ce Finistère, il y est toutefois le premier exposé au FHEL. Il a semblé évident à MEL de se concentrer sur l’ensemble de l’œuvre de Cartier-Bresson, dans toute sa diversité. Entretien :

 

Jean-Jacques Ader : A quand remonte votre premier contact avec la photographie ?
Michel-Édouard Leclerc : À mon grand-père, qui était photographe du champs de bataille, en 14-18. Après la guerre il s’est établi comme photographe à Landerneau. Il faisait de très bonnes photos et très tôt il m’a initié au développement et aux différents bains pour le traitement des images noir et blanc ; la retouche, avec une gamme de crayons gras pour retoucher les portraits par exemple. Il vivait de photos de champs de foires ou de mariages mais il m’a initié à développer un regard artistique. D’ailleurs j’ai eu droit à un appareil reflex à l’âge de huit ans, avec la responsabilité de l’entretenir et d’en développer les photos, souvent avec lui.

Vous avez donc pratiqué ?
MEL : En tout cas j’ai été passionné, et je me suis construit en faisant des images. J’ai pris beaucoup de photos ; mes journaux de bord sont faits de collages, d’articles, et de tirages papier. J’ai une mémoire visuelle avant tout. Bien sûr, les photos prises sur mon smartphone sont classées, mais c’est ma mémoire qui me suit sur le cloud !

Votre affinité pour les arts date donc de cette époque ?
MEL : Oui, la photo a été un territoire où j’ai éduqué mon sens artistique, j’avais l’idée depuis longtemps d’ouvrir une fondation du nom de mes parents, mais je ne pensais pas spécialement y exposer de la photographie.

Quel a été le déclencheur ?
MEL : C’est la rencontre avec Clément Chéroux qui m’a convaincu. Ma fille Audrey, qui a fait ses premières armes dans le milieu de la photographie, m’a amené et fait connaître la Fondation Cartier-Bresson et m’a permis d’approfondir mes connaissances du travail d’Henri Cartier-Bresson ; et l’approche de Clément Chéroux m’a séduit parce qu’il a beaucoup personnalisé l’organisation de cette exposition.

Comment avez-vous conçu le parcours ?
MEL : Comme une démarche pédagogique et de conviction. Clément Chéroux était ouvert au fait d’historiser la vie de Cartier-Bresson, à travers des séquences qui montre l’engagement de l’artiste dans des géographies différentes, qui sont autant de repères pour le spectateur.

Vous avez voulu éviter la simplification du photographe de l’instant décisif ?
MEL : En effet, je ne pense pas que cette expression soit suffisante ou éclairante pour dire la richesse du travail de Cartier-Bresson. Alors que, le montrer en Inde travaillant en agence, et rencontrant Gandhi juste avant son assassinat, témoin ensuite de sa crémation, on plonge dans l’émotion avec le reporter, et malgré la mise à distance du photographe on est avec lui. C’est le militant qui fait de lui le photoreporter de la pauvreté, de l’indigence, des difficultés de vivre. C’est aussi le militant qui va parcourir la Russie de la guerre froide et la valeur de ses images ne tient pas du hasard. Le prisme de sa personnalité permet au spectateur d’entrer dans son univers ; et nous avons distingué l’expo par autant d’univers que d’espaces, qui nous montrent chacun une personne qui exerce plusieurs fois le métier de photographe. D’un peintre on dirait qu’il a une richesse de palette, de Cartier-Bresson avec ses thématiques, on voit tous ses centres d’intérêts et ce n’est pas un pré-découpage de ses photos.
Dans les années soixante, à l’émergence de la société de consommation, il va photographier dans les grands magasins. On peut voir un jeune couple se tenir par l’épaule, contempler un canapé avec émerveillement et on comprend alors le mécanisme de séduction de la consommation.

Vous diriez qu’il est moins un militant qu’un témoin de son époque ?
MEL : Je pense qu’il est plus qu’un témoin, parce que, même s’il y a une recherche esthétique dans le cadrage c’est le sujet qui fait le sens de la photo. Sa photo témoigne, d’accord, mais elle interroge aussi.

Il a aussi tenu à rester photojournaliste, comme lui conseillait Capa
MEL : Oui, il a réussi la grande distribution dans l’art (rires) Il parle au public, c’est un reporter et il ne se perd pas dans la technique ; il a une forme de distanciation, quand on voit les deux personnages en Belgique, qui regardent à travers une bâche, il reste à distance, il reste pudique, et on le voit bien dans le petit film qui est projeté à l’exposition, il va, il vient, il se cache, il revient, il sautille, il est très joueur avec ses personnages.

Vous êtes collectionneur, avez-vous de la photographie ?
MEL : Non, pas vraiment, quelques-unes, mais plutôt des planches de bande-dessinées. Je trouvais qu’il n’y avait pas de politique de soutien aux auteurs de bd dans les années 90.
Sinon, j’ai aussi une belle collection de boites de sardines… il n’y a pas de différence dans 6 sardines en boite en Irlande, à Tanger ou au Cap Gris-nez, et pourtant, chaque conserverie arrive à se différencier.

Le FHEL de Landerneau n’est donc pas né d’une collection ?
MEL : Non pas du tout. C’est un fonds de dotation qui est dédié à la médiation. La famille Leclerc n’est pas propriétaire des centres Leclerc, mon père a voulu que la marque soit collective. Ouvrant une fondation à Landerneau, on s’est posé la question suivante : valorise t-on la culture bretonne pour les touristes ou faisons-nous venir le meilleur de l’art pour le montrer ici ? Et, maintenant ce choix n’est plus contesté quand on donne à voir des expositions extraordinaires, dignes du Centre Pompidou ou d’autres centres d’art. Chagall par exemple, Picasso, Miro, la diversité de l’œuvre de Dubuffet ; Dubuffet qui a été découvert par un public qui le confondait parfois avec Bernard Buffet, qui lui, est souvent venu peindre cette Bretagne. Le but était donc de partager tout cela avec les gens de la région, dans un lieu qui ne ressemble pas à un musée (un ancien Couvent des Capucins de 1634) et où le public vient voir ce qu’il s’y passe.

Il y a donc des chances d’y revoir de la photographie ?
MEL : Oui, bien sûr, je connais un peu mieux le milieu photo maintenant, et du fait de cet événement avec Henri Cartier-Bresson, déjà, nous ne manquons pas de propositions.

Par Jean-Jacques Ader

 

« Henri Cartier-Bresson », exposition au Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la culture à Landerneau (avec la fondation Henri Cartier-Bresson) jusqu’au 5 Janvier 2025. Informations : https://www.fonds-culturel-leclerc.fr/

Publication d’un beau livre par le FHEL pour la Culture, regroupant l’ensemble des images présentées. https://www.henricartierbresson.org/publications/11971/

Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la Culture
Aux Capucins
29800 Landerneau
www.fonds-culturel-leclerc.fr

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