Lauréate du HCB Award 2021, Carolyn Drake présente Men Untitled à la Fondation Henri Cartier-Bresson, une nouvelle série de photographies explorant son rapport aux mythes masculins dans la culture américaine. Mêlant symboles de virilité, autoportraits et photographies d’hommes « mis à nu », Men Untitled fonctionne à la fois comme une introspection et un documentaire.
Après Knit Club (2012-2020), une série subversive sur une communauté de femmes dans une ville rurale du Mississippi, Carolyn Drake tourne son regard vers les hommes. Contrairement à ses travaux précédents, elle élargit la portée en séparant son travail de toute géographie spécifique. Effaçant presque tous les signes du lieu, Drake invite le spectateur à regarder directement les corps masculins devant la caméra.
Le travail de Drake commence par des réflexions sur sa relation aux hommes, à leur corps et à la place que la société leur accorde. En se rapprochant de ses sujets à travers des portraits collaboratifs, elle finit par remettre en question à la fois les attentes du spectateur et ses propres perceptions.
« J’ai travaillé à la périphérie de mon sujet pendant près d’un an avant de me mettre au travail. De nombreux mois ont été passés à repérer des lieux, à organiser des séances de portraits, à rechercher des accessoires et à embaucher des assistants avant de décider que ce dont j’avais réellement besoin était d’obtenir que les hommes devant moi se déshabillent.
Même si j’existe parmi eux depuis un demi-siècle, je ne peux pas prétendre être à l’aise avec les corps masculins. La vérité est que le corps masculin n’est pas un sujet pour lequel on m’a encouragé à réfléchir de la même façon dont nous traitons le corps des femmes. C’est comme si le fait de regarder les hommes était intrinsèquement dangereux.
Demander aux hommes de se déshabiller introduisait un degré de risque qui agitait mon imagination de cinquantenaire alors même que le désir sexuel continuait de lui échapper.
J’ai surtout photographié des hommes plus âgés que moi. Peut-être que j’étais plus intéressée à voir une masculinité en déclin que d’admirer des prouesses masculines. Ou peut-être que les hommes plus âgés sont visiblement plus vulnérables, ce qui me rend plus empathique à leur égard.
Certains d’entre eux dévoilaient leur corps avec une curiosité aventureuse ; d’autres étaient prêts à se révéler en partie, abandonnant leurs réserves par geste de générosité. Certains ont eu une érection et sont restés immobiles devant moi, se demandant où diriger leur regard. Une personne n’arrêtait pas de se pencher pour s’assurer que je capturais une vue de son anus.
Une fois que j’ai commencé à retirer les vêtements, les accessoires et les décors, il ne me restait plus qu’un corps vivant dans le temps, comme le mien. Son assurance s’est dissoute lorsque j’ai pris la liberté de regarder. » – Carolyn Drake
Carolyn Drake travaille sur des projets photographiques à long terme cherchant à interroger les récits historiques dominants et à les réinventer de manière créative. Sa pratique embrasse la collaboration et combine la photographie avec la couture, le collage et la sculpture. Elle souhaite briser le fossé traditionnel entre l’auteur et le sujet, le réel et l’imaginaire, remettant en question les binaires bien ancrés.
Drake est née en Californie et a étudié les médias, la culture et l’histoire au début des années 1990 à l’Université Brown. Après avoir obtenu son diplôme de Brown, en 1994, Drake a déménagé à New York et a travaillé comme designer interactive pendant de nombreuses années avant de s’intéresser au monde physique à travers la photographie.
Entre 2007 et 2013, Drake s’est fréquemment rendue en Asie centrale depuis sa base d’Istanbul pour travailler sur deux projets à long terme : Two Rivers (2013) et Pigeon sauvage (2014). Cette dernière œuvre a été acquise par le SFMOMA à San Francisco et présentée lors d’une exposition personnelle de six mois en 2018. Dans Internat (2014-2017), Drake a travaillé avec des jeunes femmes dans un ancien orphelinat soviétique pour créer des photographies et des peintures. Ce travail a été suivi par Knit Club (TBW Books, 2020), issu de sa collaboration avec un groupe énigmatique de femmes du Mississippi se faisant vaguement appeler « Knit Club » et a été sélectionné pour le Paris Photo Aperture Book of the Year et le Lucie Photo Book Awards
Le travail de Carolyn Drake a été soutenu par une bourse Guggenheim, le prix du livre Anamorphosis Prize, la Fondation Peter S Reed, Lightwork, le Do Good Fund, le prix Lange Taylor, la Fondation Magnum, le Pulitzer Center et une bourse Fulbright. Elle est membre de Magnum Photos et est représentée par la Yancey Richardson Gallery, New York.
Carolyn Drake : Men Untitled
19 septembre 2023 – 14 janvier 2024
Fondation Henri Cartier-Bresson
79 rue des Archives – 75003 Paris
+33 (0)1 40 61 50 50
www.henricartierbresson.org
L’exposition est accompagnée d’un livre bilingue français-anglais publié par TBW Books.
Relié, 30 x 23 cm
Texte de Carolyn Drake
ISBN 978-1-942953-60-9
45 €
