Photographie, hyper-réalisme, set & fashion design, création 3D, vidéo… Florence Moll a constitué une équipe de créateurs éclectique, d’artistes aux regards et compétences aussi inventifs que talentueux au service de la commande commerciale. Ses photographes nous offrent un monde tour à tour sensible, futuriste ou imaginaire, en utilisant des moyens de création aussi spontanés qu’artificiels, prouvant bien que si les processus de la création photographique se sont diversifiés, le questionnement artistique reste authentique.
Quelle est l’histoire de l’agent Florence Moll ?
Florence Moll : C’est tout d’abord une passion pour la photographie, jamais reniée depuis mes années d’études de la photographie au Brésil. Agent de photographe depuis 1991, j’ai constitué au fil des années une équipe de photographes, de stylistes et d’auteurs 3D reconnus pour leur démarche inédite, pertinente et inattendue. C’est une histoire qui se construit chaque jour, un état de curiosité ouvert sur les nouveaux talents émergents, créer des passerelles entre les mondes …
Pourquoi es-tu agent de photographes ?
F.M : Parce que la photographie est un art encore nouveau aux multiples arborescences. J’aime ce rapport entre l’incontournable réel dont elle se nourrit et l’oeil du photographe qui nous en éloigne et rend l’objectivité illusoire.
Si tu n’avais pas été agent de photographes ?
F.M : Journaliste.
Ton premier photographe ?
F.M : Henry Leutwyler, un photographe de mode et portrait qui vit maintenant à New York.
Comment as-tu constitué ton équipe ?
F.M : J’étais déjà dans le milieu de la photographie, formée par un étonnant photographe de beauté,très iconoclaste, Shaun Conroy Hargrave. J’ai naturellement eu la chance de représenter des photographes d’un bon niveau qui m’ont fait confiance.
Quel est le rôle de l’agent ? Que seraient-ils sans toi ?
F.M : Réussir, c’est avoir conscience de ses talents mais aussi de ses limites. Un photographe est rarement un bon promoteur de son propre travail. Par ailleurs, je ne pense pas qu’il doive faire la démarche de sa représentation et négociation financière lui-même. Une juste distance lui sera profitable et le libèrera pour sa création. Un photographe et son agent, c’est une rencontre. Nous nous choisissons par affinités et vivons l’aventure de la création et son développement avec ses hauts et ses bas, cela demande beaucoup de confiance et de ténacité.
Tes recommandations aux jeunes photographes ?
F.M : Identifier son talent, suivre son instinct, rencontrer des regards constructifs, s’y frotter sans peur et puis shooter, shooter, shooter …
Quel avenir/tendances/souhaits pour la photographie « commerciale » ?
F.M : Que le photographe soit choisi par l’agence et le client pour ce qu’il sait faire et intégré le plus en amont possible à la création. C’est basique, mais trop peu appliqué. Globalement, je souhaite que la photographie appliquée au commerce soit plus branchée sur les nouvelles tendances en image et sache mieux utiliser les talents. Il faut aussi évoquer dans ce cadre la question du bon process; nous le savons tous mais il vaut la peine de rappeler qu’une bonne image publicitaire est la résultante d’une collaboration entre partenaires intelligents et du respect de chaque maillon.
Penses-tu que la photographie contemporaine est bien défendue en France ?
F.M : La photographe passionne en France, s’y vend plutôt bien, des magazines spécialisés s’y consacrent, des musées l’expose, des festivals dont le très innovant Circulation(s) attirent de nombreux visiteurs, enfin des prix la couronnent. Les institutions cependant font la place, soit à la photographie historique, soit de manière très inégale à la création photographique et j’observe que nombre de professionnels de l’image dont je fais partie, manifestent leur frustration face au différentiel entre les talents que chacun connait et la photographie exposée. Seules les galeries sont force de proposition innovante à laquelle les institutions restent sourdes. Je pense qu’il est temps de sortir de notre passivité aussi éclairée soit-elle et faire montre de propositions innovantes pour faire bouger les lignes.
L’expérience du monde a incroyablement changé, sa représentation a évolué, le numérique devient-il indispensable dans le processus de la création photographique ?
F.M : De fait, j’ai eu la chance grâce à Dimitri Daniloff d’être plongée très tôt dans l’aventure de l’irruption des arts numériques dans la photographie. Ils ont de fait permis aux imaginaires de prendre des directions jusqu’alors impossibles. Venant toujours du réel, la photographie a pu explorer de nouvelles régions devenues possibles. Ce nouveau medium a tout d’abord effrayé, des questions sur la nature et la fonction de la photographie se sont posées. Certains ont même dans un premier temps renié le terme de photographie aux images issues du numérique. Il me semble que ce débat est dépassé et obsolète, Il s’agit bien de photographie. Seul le reportage conserve, à juste titre et de par sa fonction même, l’intégrité du témoignage qui doit être celui d’une vérité totale. J’observe une vague de résistance, manifestation assez classique finalement, face à toute nouveauté et qui encense la photographie historique, le premier autoportrait, etc … Trop peu d’acteurs du monde de la photographie en France sont véritablement en démarche élective et curieuse. Le musée de l’Elysée à Lausanne a par exemple fait un travail remarquable à travers le projet « Regeneration » en interrogeant les écoles de photographie autour du globe. Autant dire que la question de la photographie numérique et de son apport à la création est répondue : la nouvelle vague photographique les a intégrés haut la main, regardons et écoutons ces nouvelles voix …
Photographes Représentés : Billy&Hells, Dimitri Daniloff, Aurélien Chauvaud, Fabrice Fouillet, Laziz Hamani, Nawel, Nick&Chloe, Nick Meek, Ben Sandler, Quentin Shih, Markus Wendler, Qiu Yang, Mi Zhou.
Propos recueillis par Séverine Morel