L’année 2015 a fêté le cinquantième anniversaire de l’ouvrage de l’artiste Peter Beard, The End of the Game – The Last Word from Paradis (Fin de partie – Dernier message du Paradis). Beard a passé de nombreuses années en Afrique à témoigner de l’impact de la civilisation occidentale sur les éléphants, la vie sauvage et les autochtones.
En 1977, il a présenté la première exposition solo du Centre International de la photographie de New York (International Center of Photography ou ICP), The End of the Game – The Last Word from Paradise.
Pendant plus de quatre mois, le photographe et commissaire Orin Langelle a photographié Beard et les personnes, dont de nombreuses célébrités, de la vie de Beard, avant et pendant l’installation de l’exposition et son ouverture, mais aussi la fête organisée pour les quarante ans de Beard au Studio 54, en janvier en 1978.
Les photographies de Langelle montrent ainsi les évènements organisés autour de la sortie de l’ouvrage de Beard en 1977. L’installation de l’ICP présente des photos de Beard, des carcasses d’éléphants, des journaux brûlés, de la taxidermie, de l’artisanat africain, des livres et des souvenirs personnels.
Au début des années 1960, Beard a travaillé dans le Parc National Tsavo au Kenya, époque à laquelle il a photographié et documenté (illégalement) la mort de 35 000 éléphants et de 5000 rhinocéros noirs.
« Plus loin l’homme est allé en Afrique, plus vite la vie a quitté le continent, au large des plaines, en dehors de la brousse… jusqu’à disparaître dans des masses de trophées, de peaux et de carcasses », explique Peter Beard.
Le travail de Beard et son commentaire mettent en lumière ce qui s’est passé lorsque les écosystèmes ont été brisés, que les peuples en équilibre avec la nature ont quitté leurs habitats naturels et que la civilisation occidentale a empiété sur leurs terres. C’était il y a plus de cinquante ans.
Beard a observé et consigné sur place la façon dont le modèle de préservation de l’éléphant lancé au Kenya au début des années 1960 a en réalité mené des dizaines de milliers d’animaux à la famine, puisqu’ils étaient rassemblés dans un parc “protégé” et que les chasseurs indigène étaient proscrits.
Il a démontré que la surpopulation des troupeaux d’éléphants a entraîné des maladies cardio vasculaires, du stress et des maladies liées à la densité de population, exactement comme les humains en font aujourd’hui l’expérience. Il a défendu l’idée selon laquelle ce qui s’était passé pour les éléphants se passe aujourd’hui pour les humains.
« Pendant des siècles, les chasseurs à l’arc ont vécu, et bien vécu, parmi les éléphants et les rhinocéros », explique Peter Beard. « Un ordre naturel s’était établi, une coexistence, une symbiose ! Ils survivaient tous gentiment, en équilibre, jusqu’à ce que l’homme blanc arrive pour les sauver. Les blancs ont délimité des frontières de protection, arrêté les chasseurs-cueilleurs et perturbé l’équilibre. La concentration de pachydermes reproducteurs a engendré une surpopulation ; ils sont venus à bout de leurs réserves de nourriture. Le désastre était alors proche ».
Le point de vue de Beard sur l’équilibre écologique était extrêmement controversé par l’élite des communautés de “protection”.
Le travail de Langelle au Centre International de Photo offre un rare aperçu sur le travail de Beard, dont les visions écologiques controversées gardent aujourd’hui toute leur pertinence.
Anna Winand
Anna Winand a été l’assistante de Cornell Capa à l’International Center of Photography de New York.