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« Figures of Speech » une expo photo sur Hong Kong Lost & Found

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Sur les rives du fleuve Pu qui traverse Shanghai et qui coupe cette mégalopole de 25 millions d’habitants en Puxi (à l’Ouest du Pu) et Pudong (à l’Est du Pu), le gouvernement a créé au Sud-Ouest du fameux Bund un nouveau district d’art baptisé West Bund, abritant, pour le moment, deux musées privés le Long Museum et le Yuz Museum, un espace pour des expositions et manifestations d’art contemporain et de design appelé le West Bund Art, et c’est dans le voisinage immédiat du West Bund Art que se trouve un petit bijou pour la photographie, le Shanghai Center of Photography, dont les initiales forment un curieux logo SCôP dont le « o » avec un accent circonflexe qui est censé symboliser un appareil photographique avec son objectif.

Créé par Liu Heungshing, un ancien de l’Associated Press avec l’aide du gouvernement local, SCôP, qui vient d’ailleurs de recevoir son statut d’organisme à but non lucratif, déjà mentionné dans mon dernier reportage sur Photo Shanghai 2015 pour son expo « From Grain to Pixel » qui était un panorama raccourci de l’histoire de la photographie chinoise du 19e siècle à aujourd’hui, présente depuis décembre 2015 jusqu’à fin février 2016, une troisième expo originale sur la photographie hongkongaise.

Liu appelé par ses amis « HS », lui-même né à Hong Kong en 1951, a rassemblé une sélection d’images de six photographes de Hong Kong, deux d’entre eux travaillent en binôme, autour du thème du portrait. Karen Smith, la curatrice a baptisé cette exposition « Figures of Speech », qui évoque pour les francophones l’expression « façon de parler », mais qui fait référence surtout aux « figures » qui ne disent pas toujours ce qu’elles veulent dire. Comme les portraits de fantaisie du peintre Jean-Honoré Fragonard de 1769, l’art du portrait photographique ici met en avant le questionnement du réel derrière l’apparence, derrière les costumes et le maquillage, nous sommes donc loin de la photographie documentaire.

Avec la montée de la Chine continentale comme le deuxième marché du cinéma au monde, on oublie que Hong Kong a été longtemps la Cinecittà de l’Asie. Fan Ho né en 1931 à Shanghai et qui vit aujourd’hui à San Francisco après avoir eu une carrière riche en succès au cinéma de Hong Kong en tant qu’acteur et réalisateur, est aujourd’hui très prisé par les collectionneurs pour ses photographies pictorialistes. Les trois vintages des années 1950 en noir et blanc de Fan Ho exposés au SCôP sont en fait trois portraits dont on a du mal à deviner la vraie identité ou personnalité du poseur: l’art de la dissimulation recherché ou involontaire les représente l’un se cachant derrière un masque, l’autre derrière son impressionnant appareil de photo, et le dernier derrière des volutes de fumée.

Yau Leung né en 1941 à HK et décédé en 1997 à HK, est l’archétype du photographe des années glorieuses de Hong Kong, les “roaring sixties” comme on dit de Londres et de David Bailey. Les clichés en couleur de Yao Leung pour des mannequins, starlettes et divas du cinéma des studios des Frères Shaw ou de Cathay de l’époque, provoquent un double sentiment : soit une indicible nostalgie comparable à l’émotion suscitée par les années Yé-Yé de Jean-Marie Perrier, soit un frisson de malaise lorsqu’on réalise que de l’autre côté de la Rivière des Perles pendant ce temps-là, la Chine entière traversait dix années de terreur et de souffrance. Cette évocation fait sourire curieusement les jeunes visiteurs chinois au SCôP lorsqu’ils tombent devant les portraits de faux révolutionnaires reconstitués par le photographe gauchiste Meng Minsheng (né en 1919 à Shanghai et mort en 2007 à Hong Kong). Ne pouvant ni participer à la Révolution Culturelle malgré sa ferveur et n’ayant aucune image des événements qui se passaient vraiment sur le continent, Meng Minsheng, pourtant photographe pour les studios de cinéma ayant lui-même produit des images de Pinups dans les années 1960, a reconstitué dans son studio des scènes narrées par la propagande révolutionnaire, entièrement construites par sa propre imagination. La plus étonnante est cette photo inspirée par un appel de Mao au réveil et au soulèvement du peuple africain, montrant deux de ses amis déguisés en africain avec perruque et au visage noirci et aux lèvres peinturlurées, portant chemise à fleur et avançant fusil à la main devant un fond de flammes rougeoyantes.

Quelle est l’identité de Hong Kong aujourd’hui ? C’est la question que se posent les Hongkongais eux-mêmes depuis leur retour à la Chine de 1997, et surtout depuis le mouvement « Occupy Central » baptisé « the Umbrella Revolution ». SCôP nous propose deux autres visions contrastées : comme un clin d’œil à la jeune photographie contemporaine et en contrepoint de leurs ainés comme Yao Leung cité plus haut, un couple né en 1968 à Hong Kong, Leung Chi Wo + Sara Wong, s’inspire du « ça a existé » de Roland Barthes, et joue à la reconstitution de portraits à partir d’images anciennes trouvées dans des journaux et magazines des années 60-70. Dans cette série de Selfies réalisée en studio de 2010 à 2014, l’un et l’autre revêtus des habits similaires au personnage ciblé qui se fait photographier de dos devant un fond monochromatique tenant la même attitude que dans la photo originale. On remarque cette photo d’un marin de la US Navy prenant un cliché avec son appareil qui rappelle l’époque où le quartier de Wanchai à HK était aussi animé que les bars à Manille ou Bangkok pendant les années de la guerre du Vietnam quand les navires américains mouillaient au port. Ce n’est pas par hasard que la série s’intitule « He was lost yesterday and we found him today », cela me semble refléter l’état de l’identité de Hong Kong d’aujourd’hui, car le Hong Kong d’hier est définitivement perdu, mais on n’est pas du tout sûr que cette identité soit retrouvée aujourd’hui. Ce « port fragrant » qui sentait longtemps le parfum du dollar est à présent noyé dans les fumées des pots d’échappement des embouteillages et des usines chinoises de l’autre rive de la Rivière des Perles, ce brouillard rend la lecture de l’avenir d’autant plus incertaine et imprévisible.

J’allais oublier le travail d’un autre photographe de Taiwan Stanley Fung qui est né en 1961 à Hong Kong, mais qui vit à Taiwan depuis l’âge de quatre ans. C’est son père qui a fondé la première Eglise Méthodiste de Taiwan. Stanley a étudié au séminaire du Collège de Théologie et est ordonné pasteur en 2008. Sa série « Dust Icon » s’inspire des images de la bible, et est entièrement réalisée avec les fidèles dans un studio à l’étage supérieur de son église. A part le fait que ses modèles posent en berger ou en vierge dans une mise en scène de clair-obscur élaborée, on ne voit pas bien le rapport avec Hong Kong. Peut-être s’attend-on à une future exposition par SCôP sur la photographie taiwanaise ?

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