Le centre d’art polonais célèbre la collection avant-gardiste de la conservatrice et critique d’art Urszula Czartoryska. Vingt ans d’acquisitions qui naviguent entre techniques nouvelles de manipulation des images et grandeur humaniste.
À partir de 1977, cette figure de la photographie polonaise, conservatrice et critique dans des revues dédiées au médium a eu l’occasion de créer un département consacré à la photographie dans ce musée de Łódź. Peu à peu, au fil des années, elle est parvenue à constituer une collection étonnante, faite de son regard singulier et fortement forgé par ce qui la touchait dans les différentes dimensions de l’image.
Ce que tentent de faire les commissaires d’exposition Marta Szymańska et Maria Franecka, ainsi que l’équipe du musée, est de restituer l’esprit de cette grande assemblée d’œuvres photographiques en choisissant 150 d’entre elles et en formant un parcours capable de témoigner de son importance.
Ainsi, ils ont décidé de mettre d’abord l’accent sur l’avant-garde du regard d’Urszula Czartoryska qui a très tôt compris la mutation de l’image et ses extensions dans des travaux de manipulation.
Jeu de puzzle
Que ces artistes soient de l’Europe de l’Est, en particulier polonais, ou d’autres coins du monde, ils ont tous cette ressemblance d’avoir pensé à utiliser l’image photographique comme support à une expression plastique où le jeu sur ce qui est montré, déformé ou caché impact le regardeur. C’est le cas des images imbriquées en un jeu de puzzle par Janusz Bakowski au début des années 1980 ou encore l’effet stroboscopique sur le corps dénudé d’une jeune femme par Waclaw Novak en 1966.
La conservatrice du musée avait le don de déceler ce que le marché de l’art érigera trente ans plus tard comme une nouvelle écriture incontournable, celle d’une photographie conceptuelle et expérimentale, à laquelle les artistes d’aujourd’hui se réfèrent beaucoup. Elle avait cette incroyable attention à une forme de création qui n’était pas encore portée aux nues comme elle peut l’être de nos jours.
Marseille
L’autre aspect qui surprend le visiteur et fait d’Urszula Czartoryska une personne inspirée dans ces choix d’acquisition d’œuvres est la grande partie de la collection dédiée à ce qu’il serait possible d’intégrer au courant humaniste. Il y a une très belle photographie de la fille du pianiste polonais Arthur Rubinstein originaire de cette ville et qui porte le même nom que son père et le prénom d’Eva. Il y a deux images très fortes de Julia Pirotte, Polonaise exilée à Marseille pendant la Seconde Guerre mondiale et qui a su rendre toute la complexité d’un monde balançant entre le meilleur et le pire résonnant toujours profondément aujourd’hui. Il y a ces jeux d’enfants photographiés par Bodgan Dziworski qui rend toute la poésie et la joie de ces instants suspendus. Comme l’explique la commissaire de l’exposition, Marta Szymańska, il y a une forme de « tendresse » dans la collection réalisée par d’Urszula Czartoryska et elle émane très sûrement de la plupart des photographies exposées ici.
Jean-Baptiste Gauvin
Exposition « Tender Attention ». Urszula Czartoryska and Photography.
Du 28 mai au 5 septembre 2021 Musée ms2
Łódź, Pologne