Comme l’époque est pesante, on oublierait presque que la photographique peut être aussi légère, ludique et amusante. Qu’elle est plaisir partagé, jeu de société, magie toujours répétée. Un ravissement plutôt qu’un divertissement, lequel a toujours pour effet, merci Pascal, de nous éloigner de l’essentiel. La photo n’est jamais plus elle-même que lorsqu’elle joue.
C’est le parti-pris cette année du festival Images à Vevey, en Suisse, dont la cinquième édition bat son plein au bord du lac Léman. Cinquième depuis que Stefano Stoll, son directeur, lui a donné son identité forte: des images en plein air, des formats XXL, un positionnement entre le festival de photographie et la biennale d’art contemporain. Un projet culturel qui est aussi du marketing urbain, Vevey développant depuis 20 ans son identité de « Ville d’images » après avoir connu les affres de la désindustrialisation.
Donné par le lac omniprésent, le thème du festival Images 2016 est l’immersion. Plonger dans un liquide, mais aussi dans la démarche d’un artiste ou les profondeurs des technologies numériques. Avec un clin d’œil aux bains de révélateur, d’arrêt et de fixateur qui empestaient les chambres noires, naguère. Mais également avec l’ambition d’attester des transformations actuelles du médium.
C’est ainsi que des photographies sont exposées sous et sur l’eau, au bout de cannes à pêche. Certaines dansent avec les vagues, grâce à un dispositif hydromécanique. Où il appartient à l’œil de s’immerger dans un casque réalité virtuelle, des œilletons, des cadres, des installations, des algorithmes. Les images de Stephen Gill, elles-mêmes prises dans un caisson rempli d’eau, n’apparaissent que si elles sont aspergées avec l’eau d’une fontaine.
On rentre dans des vies, des cavernes, des paysages, des bâtiments, des images bien sûr. On s’insère même dans les photos de Martin Parr grâce à un procédé à fond vert, une sorte de Photomaton qui vous ajoute, vous le visiteur, à la foule des touristes capturés par le photographe britannique. On dort dans une chambre-galerie avec les images d’Alex Soth prises dans un hôtel japonais.
Des 75 projets conçus par des artistes de 15 pays, retenons enfin le Grand Prix Images qui a été attribué l’an dernier sous forme de bourse à l’Américain Christian Patterson, ancien assistant de William Eggleston. Patterson a racheté l’entier d’une vieille épicerie du Mississipi, boîtes de conserves comprises, avant d’en photographier chaque élément dans son studio new-yorkais. L’ensemble, l’épicerie et ses représentations, a été transporté à Vevey, dans le festival Images, comme pour confirmer la prophétie d’Andy Warhol : «Les magasins deviendront des musées, les musées deviendront des magasins».
Luc Debraine
Luc Debraine est journaliste culture et société au magazine suisse L’Hebdo.
Festival Images Vevey
Du 10 septembre au 2 octobre 2016
Ouvert tous les jours de 11h à 19h, entrée gratuite.
Pl. de la Gare 3
1800 Vevey, Suisse
www.images.ch