« On peut en apprendre énormément sur un pays en regardant ses plages : d’une culture à l’autre, il s’agit d’un des rares espaces publics où l’on croise les bizarreries et les excentricités qui caractérisent une nation. »
Martin Parr
Collectionneur compulsif d’objets autant que d’images, Martin Parr se penche depuis The Last Resort (1986) sur les plages dans la tradition britannique du bord de mer (New Brighton). « Le monde opère sur les plages » comme il le déclare, lieu de sociabilité et de commerce dont il traque les particularismes planétaires.
Si nos modes de vie se standardisent, c’est peut être l’un des derniers endroits où l’on peut être soi-même, semble t-il nous dire avec cette faculté renouvelée de grandeur et de dérision qui a fait sa marque de fabrique « Life’s a beach », titre à double détente d’une série de 60 photographies que l’on redécouvre avec toujours autant de plaisir du Japon à l’Inde en passant par le Brésil, la Crimée ou l’Espagne. La photographie vernaculaire et ses détails avec pour nouveau terrain de jeu, Evian, ville thermale au charme suranné, le temps d’une résidence d’été, nouvelle série de 20 photographies. Le tourisme de masse face à un monde du goût et de l’élégance en voie de disparition. Des lieux emblématiques : bords du Léman avec le cygne pour emblème, promenade le long de la corniche à 5 heures avec une héroïne très proustienne, les grands hôtels pour élite fortunée (le Splendide, le Royal, l’Ermitage) ou la fontaine de la source Cachat cure de jouvence où tout curiste vient se recueillir et s’approvisionner, mais aussi des scènes plus triviales croquées sur le marché ou dans l’usine d’embouteillage. Un récit d’où émergent « Spa » et « Parcours de golf » où l’on retrouve quelques riches oisifs de la série Luxury en version 3è âge, cette famille face au Léman qui pose la question du regardeur dans l’histoire de la peinture (Caspar Friedrich) même si leur sac et vêtements trahissent des couleurs mondialisées, ce portrait de femme et son chien dignes d’une œuvre de la tradition des portraits du siècle d’or, cette femme de chambre des Cygnes qui pose face à un désordre tout droit sorti d’une Vanité ou ces baigneurs du Lac inscrits dans une bacchanale très matissienne. Last but not least, « Stella » l’étoile du bitume, auto-stoppeuse aux allures de la guerrière Athéna qui se dresse et lève le pouce en direction de Thonon les Bains, autre station célèbre.
Exposées Palais Lumière, fleuron architectural de la Belle Epoque devenu aujourd’hui centre d’exposition d’envergure internationale, les deux séries se répondent dans un décor de fausse plage recréée, miroir dans le miroir d’une comedia dell arte tendre et cruelle, ironique et acérée.
– Marie-Elisabeth de La Fresnaye
EXPOSITION
Life’s a Beach
Evian sous l’œil de Martin Parr
Du 2 octobre 2015 au 10 janvier 2016
Commissaire d’exposition : William Saadé
Galerie Ô
2, rue Nationale
74500 Evian
France
http://ville-evian.fr