Voyage au cœur des confréries Gnawa et Aïssawa, 1995
Au printemps et à l’été 1995, de Meknès à Marrakech, Moulay Brahim et Tameslouth, l’écrivain cinéaste Pierre Guicheney, l’ethnologue Viviana Pâques et le photographe Jean-Luc Manaud réalisent pour Géo Magazine un reportage sur les rituels et les pèlerinages gnawa et aïssawa. Jean-Luc Manaud rapportera de cette immersion au cœur des deux confréries des images rares, exceptionnelles. Une exposition totalement inédite en forme d’hommage à Jean-Luc qui nous a quittés le 28 février 2015. Le documentaire de Pierre Guicheney « Le bal des génies » (1998) sera projeté durant l’exposition.
Revisité vingt ans après, ce travail accompli sur commande de Géo Magazine avec l’ethnologue Viviana Pâques (1920-2007) et le photographe Jean-Luc Manaud (1948-2015) peut être considéré, au moins pour ce qui est de sa partie photographique, comme une brillante réussite. Le grand coloriste qu’était Jean-Luc a donné ici toute la mesure de sa sensibilité et de son talent de raconteur d’histoires en images. Les écueils étaient pourtant nombreux. J’étais le capitaine de cette équipée et c’était là mon tout premier reportage de presse. L’érudite Viviana venait de passer trente ans à tenter de décrypter le système gnawa dont elle désirait ardemment partager la profondeur et la richesse, au risque d’égarer parfois son auditoire ou le lectorat « grand public » d’un magazine comme Géo. Pour compliquer encore un peu plus les choses, Viviana et moi-même étions initiés dans la confrérie et dansions à certains moments des cérémonies. Nous avions demandé à Jean-Luc de prendre soin d’éviter de nous photographier à ces moments-là. Fort heureusement, et en grand professionnel qu’il était, il n’a pas tenu compte de cette exclusive, si bien que, même si son visage est voilé sur la plupart des clichés ou si on la voit de loin, nous possédons aujourd’hui quelques images de Viviana visitée par les génies. Ces images sont exposées publiquement pour la toute première fois. En 1995, la réticence des adeptes des confréries vis-à-vis des photographes et des cinéastes était encore plus forte qu’aujourd’hui, mais Aïssawa et Gnawa, musiciens, officiants et initiés de tous grades nous laissèrent travailler en toute liberté, aussi bien à Meknès qu’à Marrakech. Le crédit de Viviana, en particulier auprès des héritiers du « sheikh parfait » Sidi Ben Aïssa, à Meknès, y était pour beaucoup. Quant à la communauté gnawa de Marrakech, elle était devenue au fil des décennies, pour Viviana et pour moi-même, comme une seconde famille. Peu d’années auparavant, en 1989, notre initiateur commun El Aïachi Hamchich, considéré comme le premier mokaddem des Gnawa de Marrakech, nous avait quittés. Une disparition dont nous partagions le deuil avec les habitués de sa maison de Bab H’amar où, de son vivant, tout un chacun pouvait en toutes circonstances venir demander une aide, un conseil, un oracle ou, pour les nécessiteux, une place autour d’un tajine. Cette perte renforçait la très claire conscience que la tradition s’affaiblissait d’année en année et que les grandes cérémonies et les grands rassemblements autour des tombeaux des saints étaient menacés de décliner ou d’être progressivement dénaturés. C’est sans doute pour cela que tous acceptèrent la présence de Jean-Luc avec ses appareils et facilitèrent son travail, et que, deux ans plus tard, je pus tourner le film Le bal des Génies avec les maallem Ahmed et Mustapha Baqbou.
EXPOSITION
Gnawa, 7 couleurs de Jean-Luc Manaud
Photographies de Jean-Luc Manaud
Conception, textes et film de Pierre Guicheney
Une initiative de la Maison de la Photographie de Marrakech et de l’Institut Français d’Essaouira
En partenariat avec l’agence Gamma Rapho Keystone
Exposition du 12 mai au 23 juillet 2016
Institut Français d’Essaouira
Derb Laâlouj – 9 Rue Mohammed Diouri
44 000 Essaouira Médina
Maroc
http://if-maroc.org/essaouira/