Texte de Thierry Maindrault
Lorsque l’Homme se cherche sa Créativité explose.
En quelques mots nous sommes en présence de Emanuele Scorcelletti de ce créateur de talent invité par Leica à exposer une petite rétrospective de ses œuvres dans sa galerie déjà très emblématique de Frankfurt.
Quoi de plus normal pour le plus européen des photographes, il est né au Luxembourg au début des années 60, il est italien de nationalité, il est parisien d’adoption et le voilà plébiscité par la plus prestigieuse des marques allemandes, dont il est un ambassadeur. Un lien très important et naturel avec la photographie dont il reste, à ce jour, un des rares survivants à en maîtriser parfaitement la technique. Technique essentielle à la créativité qu’il a apprise à Bruxelles (c’est bien un européen je peux vous l’affirmer) à l’Institut National de Photographie et de Cinématographie, technique confortée par une présence à l’Agence Gamma pendant 20 années, technique exploitée dans tous les secteurs de l’expression par la photographie qui s’étale de la mode aux paysages, du portrait aux montages scéniques, etc. Il sait tout faire …
Le décor est planté pour entrer dans l’imaginaire d’Emanuele, dans cette histoire filmée qu’il affectionne tant et tant, dans ses histoires. L’homme est le spécialiste des grands écarts, pas n’importes lesquels, les écarts de l’extrême. Il navigue brillamment dans toutes ses propres incertitudes, parfois douloureuses, qui donnent naissance à des œuvres si complètes que la lecture d’une seule de ses images nous parle comme si elle était une série, une histoire, une séquence de film.
Il hésite, s’interroge et s’exprime à travers une maîtrise mûrement travaillée des outils photographiques. Même ses choix technologiques sont philosophiques, des prises de vues argentiques ou digitales, négatifs scannés ou tirages bromures, noir et blanc ou expression colorée. Lui, il préfère le beau tirage baryté issu du tirage d’une pellicule en noir et blanc, ses clients, compétiteurs du monde moderne préfèrent le « shoot » digital riche en couleur pour une incorporation immédiate sur un site videographique. En vrai professionnel, une fois encore, Emanuele Scorcelletti réalise les deux extrêmes avec ce même perfectionnisme qui fait tant défaut chez beaucoup de ses jeunes concurrents.
Le film se poursuit avec cette contradiction flagrante entre le fixateur reconnu de scènes de vie ou scènes de spectacle qui pense cinéma italien à chaque fois qu’il appuie sur le déclencheur et qui s’implique dans la vie clinquante dite « parisienne », d’une part. D’autre part, c’est le petit garçon réservé, voire timide, qui était subjugué par « l’école de Misa » à travers l’un des maîtres à penser Mario Giacomelli dont il croisera la route ou les préceptes de Giuseppe Cavalli, qu’il assimilera.
Les séquences se succèdent, l’auteur ressent un besoin de reconnaissance, il revendique la mise sous les projecteurs de ses travaux, il supporte ce parcours stressant parmi les grands noms des « people » surligné par les astreintes cumulatives d’une profession qui évolue financièrement vers une débâcle totale. Quel contraste avec l’homme qui respire à l’ombre (si présente dans ses photographies), qui rêve dans la simplicité, qui aspire à la plénitude avec une grande nostalgie de la vie simple de ses aïeux au milieu de ces terres encore un peu épargnées dans cette Italie centrale et adriatique.
Alors vient le temps, des images qui s’épurent et prennent vie dans des choix esthétiques radicalement différents, avec les techniques qui laissent la pensée maîtriser le temps. Encore une fois un choc des contraires, une allégorie improbable ; et pourtant, le créateur émerge sans complexe, avec sa maîtrise assumée de la lumière, pour nous restituer dans chaque image une histoire complète quelque soit son origine. Ce très bon créateur sait effacer dans toutes ses créations photographiques le sujet et le photographe pour ne conserver qu’un message lisible et puissant ; et ce, quelque soit le modèle qui s’immobilise devant ses objectifs ; même si le personnage se trouve souvent dans les sommets mondiaux de la communication.
Comme dans tout ces bons films mythiques qu’il adore, cette séance prend fin sur cette exposition de reconnaissance de ses œuvres passées. Je fais confiance à Emanuele Scorcelletti, cette moitié d’ermite travaille déjà sur son prochain scénario, et si c’était celui d’un maître de la photographie.
Creazioni visibili par Emanuele Scorcelletti
du 11/22/2019 au 02/01/2020
LEICA GALLERIE FRANKFURT
Großer Hirschgraben 15
60311 Frankfurt am Main
Téléphone : +49 (0) 69 – 9207070
Site web : https://www.leicastore-frankfurt.de
Heures d’ouverture : lundi au vendredi de 10.00 à 19.00 heures,
samedi de 10.00 à 17.00 et sur rendez vous