Elene Usdin est une boîte à outils. Elle dessine, peint et depuis neuf ans photographie. Elle est d’excellente compagnie, souriante et prévenante. Agée de 40 ans, cette jeune maman d’un petit Joseph sait coudre aussi et tricote avec habileté. Ces informations intimes ne sont pas destinées à enrichir la rubrique des petites annonces du Chasseur français. Elles disent simplement que cette auteure est un cas à part. Une boîte à outils doublée d’une boite à idées. Capable de sortir un décor lynchien d’une chambre vide, de remplir une pièce avec deux trois bouts de ficelles, de transformer un parc en forêt mystérieuse. Dotée d’une imagination débordante, Elene Usdin sait presque tout faire et elle le fait bien. Mais ce qu’elle fait de mieux, c’est de se tirer le portrait. Dotée d’un corps sculptural qu’elle n’hésite pas à mettre en avant, Elene est toujours disponible pour Usdin. Cela lui évite les tracas de casting, de modèle, d’agents, de book et lui fait gagner beaucoup de temps et d’argent (qu’elle n’a pas d’ailleurs). En plus, ça lui fait du bien. On ne dira jamais assez les vertus thérapeutiques de l’autoportrait pour un artiste.
Dans des mises en scènes épurées et soignées, elle se la raconte. Comme dans un conte pour enfant, cela semble ludique, onirique au premier abord. Mais l’arbre cache toujours une forêt un rien effrayante, anxiogène. Son moi épouse des matelas, des arbres, des cornes, des masques… Souvent, elle tombe à la renverse, elle traite son corps nu ou dénudé comme celui d’une danseuse dont un marionnettiste invisible tirerait les ficelles.
Les autoportraits de cette fille fondamentalement timide lui ont permis de remporter en 2006 le Prix Picto. Et puis de collaborer régulièrement au magazine de l’Air qui a publié sa première photo dans la presse. La reconnaissance du milieu a été longue, pas celle des collectionneurs qui ont tout de suite remarqué sa patte originale via de petites expos collectives ou personnelles. En 2010, elle a réalisé pour la commune de Luz Saint Sauveur un parcours photographique en extérieur sur le thème de Eugénie l’Impératrice. En 2011, celle qui fréquentait assidument les chambres d’hôtel pour se tirer le portrait s’est vue confier une carte blanche par les organisateurs de Photo d’Hôtel Photo d’Auteur (organisé et décerné par le label Paris Hôtel Rive Gauche). Ses « chambres d’essayage » ont été dans la foulée exposées chez Esther Woerdehoff qui les présentera de nouveau à Art Paris fin mars. Des magazines comme Télérama font désormais appel à ses talents multiformes. Aux prochaines rencontres d’Arles, la photographe animera un atelier qui lui va comme un gant : comment interpréter de différentes façons un lieu en préparant tout en amont ou en laissant exprimer sa créativité…
Stéphane Brasca