Charles Matton était un formidable artiste touche-à-tout et un personnage rare.
C’était un ami. Je lui dois une des journées les plus étonnantes de mon existence.
Nous sommes au milieu des années 70. Un dimanche matin le téléphone sonne.
“Bonjour, c’est Charles, on t’emmene déjeuner chez Richard Bohringer, il y aura Robert Frank.”
Bohringer vit à l’époque dans une sorte de chateau dans les environs de Paris. Le déjeuner est somptueux. Frank : brillantissime.
À l’issue du déjéuner, je lui propose un portefolio et une interview pour l’un des prochains numeros de PHOTO.
“Bien sûr , avec plaisir.” me répondit-il, envoyez-moi un mot. Je le fis dès le lendemain matin.
Il ne répondit jamais ! 6 mois plus tard, nous nous retrouvons dans un diner à New York.
Je lui rappelle sa promesse. Il s’exclaffe :
“Je m’en souviens très bien, j’ai reçu votre lettre, ma fenêtre était ouverte : votre lettre s’est envolée !”
Je n’ai jamais redemandé un entretien à Robert Frank.
Autre souvenir enfin de cette journée : le champ de cannabis qui jouxtait le chateau, que les agriculteurs voisins de Bohringer prenaient pour de la mauvaise herbe et qu’ils se proposaient gentiment mais sans succès d’éradiquer.
Dernier souvenir enfin, c’est là que j’ai appris à jouer a ce jeu de cartes : l’ascenseur !
Jean-Jacques Naudet
Dans la cadre de leur représentation de L’Estate de Charles Matton (1931 – 2008) Dumonteil Contemporary présenté une exposition de l’oeuvre de Charles Matton, sur le thème des « Intérieurs ». Cette oeuvre polymorphe a été présentée depuis 35 ans à travers le monde, et encore récemment à Londres, Berlin et New York et fait partie de collections majeures telles que celles du Centre Pompidou, Mahj, Palais de Tokyo…
Charles Matton crée en 1985 ses premiéres « reconstitutions de lieux », espaces fictifs délimités par un seul mur, parfois deux, dans le but de les photographier puis de peindre sur les tirages obtenus. Ce n’est que deux ans plus tard qu’il créera ses premières boites, dioramas présentés entre trois cloisons et une vitre. Il y a les boites-constats avec profusion de détails prècis et celles qui multiplient les espaces avec faux miroirs ou jeux de miroirs. Très vite, Charles Matton considére ces sculptures polychromes comme un medium à part entière au même titre que la peinture, le dessin, la sculpture et la photographie, qui participera au maillage thématique de ses sujets.
Cette grande exposition à la galerie Dumonteil Contemporary marque donc le retour de Charles Matton sur la scène parisienne. Comme mon père l’a fait auparavant avec sucés, je souhaite, en signant la représentation d’Estate d’artistes, faire découvrir ou redécouvrir à un public multigénérationnel des artistes dont l’oeuvre marque et traverse le temps par leur talent, leur sensibilité , leur génie. C’est pourquoi je suis heureux de pouvoir partager avec vous à travers cette exposition, l’incroyable et fascinant univers multidisciplinaire de Charles Matton.
Charles Matton : L’Esprit des Lieux
du 1er avril au 22 mai 2022
Dumonteil
8 rue d’Aboukir 75002 Paris
www.dumonteil.com