La voiture fait partie intégrante de notre vie depuis plus d’un siècle. Peu d’objets du quotidien ont causé autant de dissension au cœur de l’opinion publique. Perçue à la fois comme malédiction et bénédiction, merveille de conception et meurtrière de l’environnement, elle va au-delà de son rôle pragmatique de moyen de locomotion et de transport. Son rôle social est loin d’être anodin : elle sert de surface de projection pour nos désirs et nos ambitions, de témoignage d’adaptabilité et de liberté et de symbole de statut social, avec des connotations de puissance, de richesse, de prestige, et de pouvoir de séduction. Dans des pays tels que l’Allemagne, l’Italie et les États-Unis, le secteur automobile particulièrement innovateur cultive cette aura, avec des images publicitaires extrêmement travaillées, et grâce à un lobby très influent. Dans ce contexte, les ingénieurs et designers conçoivent des véhicules haute performance, dotés de moteurs suralimentés et de temps de reprise exceptionnels, associés à la promesse d’un nuage de bien-être – sécurité assurée par airbags et, depuis peu, stationnement assisté, ou encore, dans un proche avenir, les systèmes de conduite « autonome ».
La voiture figure également en bonne place en matière d’art moderne et contemporain, comme chez Andy Warhol, Arman, Sylvie Fleury ou Gabril Orozco. Au cinéma, elle fait figure de star dans des classiques tels que French Connection et Bullit, sans parler des aventures de James Bond, où BMW et Aston Martin jouent un rôle clé – ou secondaire, selon les sommes contribuées par les constructeurs au budget du tournage. Des deux côtés de l’Atlantique, les photographes ont eux aussi créé des images mythiques qui emmènent la voiture bien plus loin que l’image purement commerciale d’une simple marchandise.
Une exposition à la Kommunale Galerie de Berlin présente les travaux de vingt-trois photographes. Leurs œuvres et séries témoignent d’une extraordinaire diversité toute représentative des approches artistiques adoptées aujourd’hui autour de ce thème si populaire. L’installation nous confronte à des images d’accidents, de rues vides, de voitures bien rangées ou abandonnées et croulantes, de rallyes de voitures anciennes exhibées comme des pièces de musée, le tout pimenté de destructurations et collages photographiques, avec plusieurs interprétations de l’expression « tailler la route ».
L’éventail proposé nous livre une vision kaléidoscopique de la société, à la fois requiem de notre civilisation basée sur l’automobile et ode à notre fascination pour ses multiples incarnations, de l’objet domestique à l’icône du design. Interventions conceptuelles côtoient études sociologiques, tandis que les voitures se voient sublimées, marginalisées ou magnifiées dans le détail. Il s’agit là d’une rencontre avec la voiture en tant que protagoniste d’un road movie, alors même qu’elle a perdu son statut d’objet le plus convoité par les conducteurs européens de la Génération Y. Si cette exposition unique de photographie contemporaine consacrée à l’automobile annonce notre évolution vers un futur mobile haute technologie, l’avenir de la voiture elle-même est marqué par l’incertitude.
Drive, Drove, Driven: Cars in Contemporary Photography
28 janvier – 08 avril 2018
Kommunale Galerie
Hohenzollerndamm 176
10713 Berlin
Allemagne