Commencée il y a plus de vingt-cinq ans, la série Die Winter (l’hiver en allemand) est liée à la propre histoire de Stéphane Winter. Abandonné à sa naissance en Corée du Sud en 1974 et recueilli par un orphelinat, il est adopté, à l’âge d’un an, par un couple suisse. Vers l’âge de quinze ans, il se met à photographier ses parents. Ses images sont un mélange de mise en scène et de moments pris sur le vif rassemblant avec humour et tendresse la vie quotidienne de ce trio.
Ce travail mélange et documente un regard décalé mais positif sur sa propre adoption et l’intimité d’une famille suisse de classe moyenne à la fin du XXe siècle. Stéphane Winter nous amène à repenser notre vision de la famille traditionnelle et nous invite à nous défaire de nos idées reçues.
L’idée d’exposer ses photos lui est venue après la mort de son père, terrassé par une crise cardiaque en 2011. En rangeant les papiers du défunt, Stéphane est tombé sur une lettre de son médecin datée du 8 septembre 1969 – dont une reproduction, placée dans une enveloppe, est insérée dans le livre – lui annonçant qu’il était stérile. « Je l’ai trouvée terrible et drôle, se rappelle-t-il. J’avais l’impression de découvrir mon acte de naissance. » Parmi les milliers d’images de ses parents qu’il a prises enfant, adolescent puis adulte, il a sélectionné une trentaine de clichés, avec lesquels il parvient à raconter l’indicible, son parachutage dans cette famille suisse de la classe moyenne résidant à Écublens dans la banlieue de Lausanne.
Son père Robert, un mécanicien de précision, se met en scène en bonnet de natation, debout dans la baignoire. Sa mère Pierrette, qui s’occupe des tâches ménagères, accepte également des portraits dans lesquels elle se tourne elle-même en dérision. A travers ses images, Stéphane tresse un lien serré avec eux, se donne les preuves, cliché après cliché, que malgré sa différence physique et les blagues de ses copains sur ses traits asiatiques, tous les trois font bien partie de la même et indissociable famille.
Un petit cahier inséré dans le livre présente, dans un format carré qui évoque le Polaroid, des images humoristiques mises en scène, datées et légendées à la main. Des photos de l’auteur enfant – sur une voiture à pédales, à côté d’un bonhomme de neige, ou sur le balcon d’un chalet en montagne – de banals clichés en couleur, de type Kodachrome, œuvres de parents émerveillés par leur fils, répondent aux siens dans le corps du livre.
Irène Attinger
Irène Attinger est responsable de la bibliothèque et de la librairie de la Maison européenne de la Photographie, à Paris.
Stéphane Winter, Die Winter
Publié par les éditions GwinZegal
30 €