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Décès de Gérard Rondeau, 1953-2016

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La nouvelle est brutale et les souvenirs se bousculent pour entraver les larmes.

Parce qu’il n’a pas voulu, dans un mélange de grandeur et de protection, que nous le sachions gravement malade, que nous risquions de le voir dégradé, il n’a rien dit. Cela ressemble également à sa discrétion, à ses fidélités en amitié – on n’apporte que du bien aux amis -, à sa façon de ne jamais s’imposer, lui qui plus qu’un autre savait se faire accepter. Pour échanger, partager, des mots ou un peu de champagne, des lumières ou des projets, des paysages ou des visages.

Souvenirs des années Libé et de quelques publications, souvenirs des années VU’ où nous diffusions avec souplesse une partie de ses archives et l’avons – trop peu – montré à la galerie. Souvenirs d’accrochages à New York, face au Met et à Central Park, d’accrochage aussi au Grand Palais. Souvenirs d’accrochage à l’Historial de la Grande Guerre de Péronne. Souvenirs des ballades sur « ses » terres, celles de la première boucherie mondiale, à laquelle il a consacré tant d’heures, tant de pas, de marches, de livres. Souvenirs de livres, justement, parce que c’était pour lui l’essentiel.

Il était à la fois un immense lecteur, d’une curiosité et d’une culture rares, un incollable inventeur de citations qui venaient dialoguer, depuis quelques années, avec ses images et un fabricant de livres qu’il préférait aux albums. Il y avait des écrivains complices dans ses livres, par nécessité.

La dernière grande chose aura donc été, à la MEP, cette exposition, accompagnée d’un livre, évidemment, qui laissait respirer les paysages, nous conviait à la complicité avec les visages des écrivains et des artistes. Et ce livre au titre magique : « J’avais posé le monde sur la table ».

Sarajevo pendant le siège mais pour photographier la vie qui continue, au quotidien, le Cirque à New York, où le flash dit à la fois la forme les matières, la recherche de l’apparence et d’une forme d’élégance, la Marne comme guide, le Café Florian à Venise, mais aussi le Tour de France, la Cathédrale de Reims, l’exploration des musées durant tant d’années. Et les portraits, et les paysages, toujours et encore.

Pas envie de faire l’inventaire mais les souvenirs sont là. Ils vont rester, tout comme les images, tout comme les livres. Après avoir écrit quelques lignes, je commence à me rendre compte que la perte est immense. Immense. Point final.

Christian Caujolle

Aujourd’hui commissaire indépendant, Christian Caujolle a notamment été directeur de la photographie au journal Libération, a créé l’agence VU’, et enseigne à l’École Nationale Supérieure Louis Lumière, à Paris.

http://www.gerardrondeau.com

A l’annonce du décès de Gérard Rondeau, Irène Attinger, responsable de la bibliothèque et de la librairie de la MEP, à Paris, a également souhaité réagir:

C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès de Gérard Rondeau, un ami rencontré il y a près de 30 ans à Lausanne, au Musée de l’Elysée. A l’occasion de son exposition à la MEP, j’ai publié un texte sur son livre  J’avais posé le monde sur la table I had set the world on my table, Éditions des Équateurs, Paris, 2015

Ce livre, qui revisite une grande partie de son œuvre, est une invitation à divaguer, à découvrir les mondes, souvent intemporels, de Gérard Rondeau. Il nous donne une chronique rémoise, suivant une lecture très personnelle de la ville de Reims et de sa cathédrale. L’ouvrage s’attarde également sur la Champagne, sur des portraits anonymes réalisés à la fin des années 80.

J’avais posé le monde sur la table évoque les allers et retours de Gérard Rondeau entre l’Est de la France et Sarajevo assiégée, dans une géographie des traces de la guerre de 14 – 18 mais aussi de celles bien plus récentes de la guerre en Yougoslavie. Un voyage singulier qui s’appuie sur sa fréquentation à la fois des lieux de la première guerre mondiale et de ceux de la Bosnie-Herzégovine en guerre.

La confrontation des images se fait généralement de manière géographique mais les photographies très personnelles de Gérard Rondeau, à la fois poétiques et surréalistes, l’utilisation de l’écrit – de la citation littéraire  à la légende manuscrite – nous transportent au-delà d’une photographie de voyages dans une exploration du temps.

Dans la deuxième partie du livre, on découvre certains des nombreux portraits de peintres et d’écrivains contemporains dus à Gérard Rondeau, des portraits qui recherchent, au-delà d’une attitude qu’il faudrait tenir pour caractéristique, de vrais moments de latence, de perte de contrôle certainement plus révélateurs.

Irène Attinger

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