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Dans les coulisses de l’agence Magnum (3/3)

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L’agence Magnum, créée à Paris et New York en 1947, fête cette année ses soixante-dix ans. Le livre de Clara Bouveresse, Histoire de l’agence Magnum. L’art d’être photographe, publié par Flammarion, retrace l’évolution de cette célèbre coopérative. Nous publions en exclusivité quelques extraits de cette plongée dans les coulisses de l’agence, en trois épisodes.

La vente de tirages en galerie représente aujourd’hui un marché important pour les photographes de Magnum, largement exposés en Europe et aux Etats-Unis. Cette diversification des activités, pourtant, ne date pas d’hier… L’auteure Clara Bouveresse écrit ainsi :

« La fin des années 1960 marque un premier essor des expositions et des ventes de tirages à New York. À Magnum, John G. Morris remarque dès 1958 que les tirages peuvent être présentés comme “des reproductions raffinées, tout comme on vend les tableaux“. Si les expositions ne sont pas toujours lucratives, elles donnent du prestige et de la visibilité à l’agence, et elles offrent l’occasion de vendre des tirages. Magnum bénéficie en particulier du soutien du Museum of Modern Art de New York (MoMA), qui lui achète cinquante tirages dès 1961. Le conservateur, Edward Steichen, soutient Magnum depuis les années 1950. Son successeur à partir de 1962, John Szarkowski, poursuit cette tradition. Les photographes de Magnum sont régulièrement exposés sur les cimaises du musée. En 1965 notamment, l’exposition The Photo Essay, qui fait la part belle aux images Magnum, donne ses lettres de noblesse à l’essai photographique. John Szarkowski valorise la sensibilité du photographe et l’image isolée, reprenant les critères de la reconnaissance artistique (le chef-d’œuvre, l’originalité) pour exalter un genre journalistique.

Trois ans après l’exposition du MoMA, l’année 1968 marque pour Magnum l’envol de la vente de tirages et des expositions personnelles des photographes aux États-Unis. Henri Cartier-Bresson, notamment, est toujours largement exposé et primé, au point d’être connu pour réclamer de nouvelles commandes de “reportages, pas des diplômes“. Cette année-là, le MoMA lui consacre une nouvelle exposition, Recent Photographs, organisée par John Szarkowski. Pour Hilton Kramer, critique d’art au New York Times, cette exposition achève de prouver la supériorité des maîtres photographes, et en particulier celle d’Henri Cartier-Bresson, qui incarne un “classicisme“ magistral. Défenseur de la noblesse de l’art à l’heure où les mélanges avec la culture populaire sont légion, Kramer approuve la délicatesse morale du photographe. Il s’emploie à montrer la filiation entre son travail et le cubisme, et convoque plus largement une tradition française de “la rigueur compositionnelle“.

Toujours en 1968, l’associé Danny Lyon présente une exposition diamétralement opposée à cette approche “classique“. Menant une vaste enquête documentaire sur un quartier du sud de Manhattan avant sa destruction, il photographie méthodiquement les intérieurs et les vues externes des bâtiments qui vont être démolis. Il rassemble des informations et recueille les témoignages des habitants. Cette fois, l’exposition n’est pas digne des pages “Art“ du New York Times. Elle est reléguée à la colonne de l’éditeur photo du Times, qui applaudit le travail “d’historien“ mené par le photographe.

Enfin, même les images d’actualité les plus récentes se retrouvent exposées. Le Fonds pour la photographie engagée, dirigé par Cornell Capa, présente ainsi des clichés de l’invasion russe en Tchécoslovaquie du 21 août 1968. L’objectif est de mettre en valeur “la plus grande profondeur, la qualité graphique, l’intégrité et l’authenticité de l’image originale plutôt que de la reproduction“.

Face aux difficultés du marché de la presse américaine, les photographes, à New York, commencent à se tourner vers les galeries et les musées. Ce qui fait une bonne image, ce ne sont plus seulement ses qualités narratives mais le regard subjectif du photographe – un regard d’autant plus subjectif que l’universalisme humaniste des débuts de l’agence est mis en doute. »

Histoire de l’agence Magnum – L’art d’être photographe
Publié par Flammarion
35€

http://editions.flammarion.com/

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