Ettore Molinario vous présente le deuxième dialogue de la Collezione Ettore Molinario.
“Nous avons ici une comparaison entre la comtesse de Castiglione, représentée par Pierre-Louis Pierson, et une éclipse solaire à l’image d’un photographe anonyme. Je vous invite à découvrir l’histoire qui lie ces deux regards, séparés par plus d’un siècle, pourtant si proches. Et je vous invite à rester en contact et à suivre les prochains rendez-vous.
De cette élève noire, elle avait fait le centre de son système solaire. Elle était la star, elle était la lumière, elle était aveuglante. La terre et ses habitants n’avaient d’autre choix que de suivre les lois de l’astronomie et de graviter autour d’elle, en suivant l’ellipse du cadre ovale qui isolait cet œil de feu. Lorsque la comtesse de Castiglione demanda à Pierre-Louis Pierson de la représenter dans le célèbre Scherzo di follia, c’était déjà un souvenir, la vie à la cour de Paris, la passion de Napoléon III, les danses, la robe d’une « reine de cœur « ; l’un des cœurs brodés avait dépassé la taille très fine, où l’empereur aimait sa maîtresse italienne. Mais malgré les défaites de l’histoire, on ne peut pas être exilé de soi et de la comtesse, la première excentrique, la première narcissique de l’ère photographique, qui fut la première interprète des parties infinies de l’imaginaire féminin à travers la photographie – impératrice, veuve, prostituée, meurtrière, religieuse, madone, mourante – a continué à diriger Pierson pour que son objectif garde intacte la beauté et l’extravagance. Ses propres ténèbres l’ont rattrapée alors qu’elle n’avait pas encore quarante ans, quand dans son appartement de la place Vendôme elle a fait ce que la lune fait à la terre pendant quelques minutes, enlever la lumière du soleil. La comtesse ferma les fenêtres, tira les rideaux, voila les miroirs de rideaux noirs et ne sortit que la nuit. L’œil qui ne voulait pas se regarder est devenu une éclipse éternelle et elle a arrêté, à son gré, le cours paisible du système solaire.
Ettore Molinario
