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Conflitos : photographie et violence politique au Brésil, 1889 – 1964

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Le nom de l’exposition de photographie qui a été inaugurée fin novembre à l’Institut Moreira Salles annonce la couleur : c’est une exposition historique. Pour la commissaire de l’exposition, Heloisa Espada, qui en plus d’être commissaire est aussi historienne, il est en effet nécessaire de connaître l’histoire afin d’appréhender les événements actuels. Et c’est justement pour comprendre la crise économique politique et sociale que traverse en ce moment le Brésil, pour regarder la situation actuelle à travers le prisme des événements passés, que réaliser cette exposition a fait sens pour elle.

De ces photographies datant d’une période s’étendant de la proclamation de la République en 1889, jusqu’au coup d’état d’avril 1964 — qui déboucha sur les longues vingt-et-une années de dictature militaire —, émanent en effet une foule d’échos aux événements et problématiques que le Brésil vit actuellement. Les paysans « sans-terre » dans les régions reculées de l’Etat de Bahia luttaient déjà pour les mêmes causes et sensiblement de la même manière qu’aujourd’hui — en occupant les fazendas, ces énormes exploitations agricoles — pendant la guerre des Canudos à la fin du 19ème siècle. De même, l’on constate que les révoltes des strates opprimées de la société n’appartiennent pas qu’aux dernières décennies, puisque déjà lors de la Révolte Navale (ou Revolta das Chibatas, Révolte des fouets), ayant eu lieu en 1910 à Rio de Janeiro a mené les marins, en majorité noirs et régulièrement violentés et soumis aux coups de fouets (malgré une abolition de l’esclavage antérieure), à mener des émeutes contre leurs commandants.

Alors que l’on parcourt les images de ces événements qui ont marqué le Brésil des deux siècles derniers, en parallèle des échos avec la situation actuelle du pays, se dessine une autre histoire en filigrane : celle de l’évolution technique de la photographie. En plus des images reproduites en grand format sur les murs, la commissaire d’exposition a ainsi eu pour parti pris de toujours montrer en regard les images d’archive et pièces originales dans des vitrines mitoyennes, afin de révéler l’évolution des techniques, et donc des supports et des moyens de diffusion de la photographie. Dans les salles relatant les conflits les plus anciens, vers la fin du 19ème siècle, l’on peut ainsi observer des tirages à l’albumine délavés, puis selon les époques l’on retrouve des images stéréoscopiques, des cartes postales, des photographies d’amateurs au moment de la démocratisation de la photographie… En choisissant de projeter les images de la guerre des Canudos réalisées par Flávio de Barros, la commissaire a même choisi de recréer le dispositif qu’utilisait le photographe pour diffuser ses images ; puisqu’il organisait lui-même des séances (payantes) de projections de ses images à la lanterne magique.

En réunissant des images qui documentent les conflits du Brésil sur une période de près d’un siècle, Heloisa Espada propose une vision du Brésil qui, comme elle le souhaitait, se distancie de cette image du pays comme on le raconte souvent, celle d’un lieu où tout se passe de manière pacifique.

Elsa Leydier

Elsa Leydier est photographe et auteure spécialisée en photographie. Elle partage sa vie entre Lyon et Rio de Janeiro.

 

 

Conflitos: Fotografia e violência política no Brasil 1889 – 1964
Jusqu’au 25 février 2018
Institut Moreira Salles, Rua Marquês de São Vicente, 476
Gávea CEP 22451-040
Rio de Janeiro/RJ
Brésil

https://ims.com.br/exposicao/conflitos/

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