Rechercher un article

Collection Ettore Molinario : Dialogues : Ugo Mulas et les frères Biederer

Preview

Il s’agit du dixième dialogue de la Collection Ettore Molinario. Un dialogue entre Ugo Mulas et les frères Biederer, mais surtout un dialogue entre nous et nos cages. Et laissant aux Vérifications du grand photographe italien, réalisées il y a cinquante ans, le plaisir de mener cette enquête, une fois de plus je vous souhaite un « bon début » et je vous invite à nous suivre dans nos prochains rendez-vous.
Ettore Molinario

Nous devrions faire cette vérification chaque mois de janvier, un mois froid et essentiel, sujet aux révisions et aux résolutions du nouvel an, et vérifier l’état des cages domestiques et mentales dans lesquelles nous vivons. Une vérification précise des barreaux, des portes, des charnières, puis la petite ouverture qui nous permet d’introduire de la nourriture et de caresser la peau ou la fourrure de l’animal au-delà de la clôture, et bien sûr mieux vaut jeter un œil au cadenas et à la clé que l’on garde cachés. Partant de l’étymologie de ce mois dédié à Janus, dieu à double face capable de regarder à la fois le passé et l’avenir, la vérification nous aiderait à comprendre où nous en sommes dans notre fatigant et cahoteux voyage vers la conscience, si nous sommes libres ou prisonniers, ouverts ou fermés aux nouvelles idées, que nous soyons dans le flux ou rigidement contraints, que nous voyageons ou bien sommes piégés. Et le verbe vérifier, donc scientifique, chirurgical, aseptique, n’est pas utilisé par hasard.

Il y a cinquante ans, en 1972, Ugo Mulas procédait à ses fameuses Vérifications. A l’origine d’une enquête sans précédent en Italie et au-delà, il y avait « un certain mécontentement de ce que j’avais fait toutes ces années » avouait le grand photographe. Et certes il n’était pas mécontent de la qualité des images, mais de l’insouciance avec laquelle il avait choisi la photographie et l’avait pratiquée professionnellement depuis 1954. C’était comme si Mulas avait senti la cage de l’habitude et de la répétition : entrer en studio, chargement du film, mise au point, cadrage, prise de vue, développement, agrandissement, découpage. Bref, il fonctionnait comme une machine, et le faisait bien, mais sans se rendre compte de la raison qui motivait chaque opération, des gestes, des matériaux qui composaient la pratique et la pensée photographique.

Peut-être cette révision extraordinaire avait-elle commencé en 1969, lorsque Mulas avait photographié le bijou de Pietro Consagra, le masque-cage qui emprisonne les yeux et les lèvres de la belle Benedetta Barzini. Ce n’était pas une vraie fermeture, plus des demi sensations et visions. Même un demi-baiser. Pourtant, il suffisait de remarquer les barreaux presque invisibles, flous car trop proches des yeux, et la cage s’ouvrait. En observant la mystérieuse mise en scène des frères Biederer, c’est à nous aujourd’hui de décider lequel des deux personnages est à l’intérieur ou à l’extérieur de la cage, qui est le geôlier, qui est le prisonnier, qui tient l’imagination en échec et qui la libère. Une vérification très personnelle.
Ettore Molinario

www.collezionemolinario.com

 

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android